Le vendredi 24 novembre 2017, en fin de journée, une jeune tigresse appartenant à un cirque installé dans le sud-ouest de Paris s’est échappée de sa cage. Après quelques minutes d’errance, elle a finalement été abattue par le directeur du cirque. Malgré lui, le fauve a relancé le débat sur la détention des animaux sauvages dans les cirques sur la scène médiatique.
La presse s’est questionnée sur la présence des animaux dans les cirques ; les ONG de protection animale ont publié des communiqués de presse condamnant les spectacles avec animaux et incitant la Maire de Paris ainsi que le ministre de la Transition écologique et solidaire à légiférer sur le sujet ; et les représentants de cirques, notamment le directeur du cirque en question, se sont empressés de parler d’acte de malveillance.
Cet incident intervient quelques jours après la parution, le 17 novembre 2017, d’une tribune à l’initiative de l’association Paris Animaux Zoopolis, appelant la Maire de Paris, Anne Hidalgo, à interdire la présence des animaux dans les cirques de la capitale. Cette tribune, dont deux membres de la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences (LFDA) sont signataires, dénonce la captivité et le dressage des animaux dans les établissements de spectacles itinérants. Cédric Sueur, éthologue, Georges Chapouthier, neurobiologiste et philosophe, et 13 autres scientifiques et historiens signataires de cette tribune, demandent à la Maire de Paris de montrer l’exemple aussi bien aux autres villes françaises et étrangères qu’au gouvernement national. Cependant, le 13 décembre dernier, le Conseil de Paris a rejeté un vœu visant à interdire la présence de cirques avec animaux sauvages à Paris, préférant adopter un vœu de positionnement contre les cirques avec animaux sauvages mais en laissant la responsabilité de légiférer à l’État.
À l’échelle nationale justement, le ministre Nicolas Hulot s’était déclaré défavorable aux spectacles avec animaux sauvages, mais aucune loi n’a pour l’instant été annoncée. Pour rappel, l’utilisation d’animaux sauvages dans les cirques est pour l’instant régie par l’arrêté du 18 mars 2011 fixant les conditions de détention et d’utilisation des animaux vivants d’espèces non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants.
Une proposition de loi a été faite
Cependant, des députés ont pris les devants sur le sujet. Des questions parlementaires interpellent régulièrement le ministre sur la présence des animaux dans les cirques. Le 22 novembre 2017, une proposition de loi a même été déposée à l’Assemblée nationale, proposant « l’interdiction de l’utilisation des animaux vivants dans les établissements de spectacles itinérants ». Le projet prévoit un amendement à l’article 521-1 du code pénal qui sanctionne les mauvais traitements sur les animaux.
Ainsi, à la suite de la phrase « le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende », serait ajouté : « est également puni des mêmes peines, le fait, pour un responsable d’établissement de spectacles itinérant, de faire intervenir des animaux domestiques ou sauvages ». La proposition de loi attend maintenant de passer devant la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, avant un hypothétique vote à l’Assemblée nationale, puis au Sénat, si toutefois elle arrive jusque là !
En adoptant cette proposition de loi, la France suivrait l’exemple de l’Italie, qui a voté en novembre dernier l’interdiction de l’utilisation de tous les animaux dans les spectacles. Elle se laisse un an pour établir un décret ministériel expliquant la mise en pratique de cette interdiction, notamment pour le placement des animaux en sanctuaire ou réserve naturelle. La même semaine, l’Irlande votait contre l’utilisation des animaux sauvages dans les cirques. Cette interdiction devrait entrer en vigueur au début de l’année 2018.
Si l’Irlande possède peu de cirques avec animaux sur son territoire (moins d’une dizaine), en revanche l’activité du cirque en Italie se rapproche plus de celle de la France. Le pays compte une centaine de cirques « traditionnels » détenant environ 2 000 animaux. Bien que le nombre de cirques avec animaux en France soit plus élevé, le fait qu’une nation voisine avec beaucoup de cirques traditionnels décide d’interdire la présence des animaux dans les spectacles crée un précédent majeur pour le gouvernement français.
Conclusion
En conclusion, Paris pourrait montrer l’exemple en France, et les pays européens voisins pourraient servir de modèles afin que les pouvoirs publics français adoptent une décision similaire. Une telle législation empêcherait qu’un incident tel que la présence d’un fauve en liberté sur la voie publique se produise, afin d’éviter un accident malheureux. Surtout, cette loi prendrait en compte les connaissances scientifiques en matière de bien-être animal, que la LFDA ne cesse de revendiquer (depuis les années 1980 ! *) dans le but de libérer les animaux des cages des cirques. Elle avait d’ailleurs édité en ce sens un fascicule « La condition des animaux de cirques » en français et en anglais, qui avait été cité aux informations de 20 heures et repris par de nombreuses associations. Remise au ministère de l’Environnement et à celui de la Culture en 2001 pour demander une nouvelle réglementation visant à la disparition des numéros d’animaux sauvages dans les cirques et à l’abolition du « dressage », cette revendication est malheureusement restée lettre morte à ce jour.
* Note : En 1981, Jean-Claude Nouët, cofondateur de la LFDA, a publié l’article « Quel cirque ? » dans la Revue du Touring Club de France, exposant les problèmes éthiques et biologiques de la détention et de l’utilisation des animaux d’espèces sauvages dans ces établissements, qu’ils soient fixes ou itinérants.
Article publié dans le numéro 96 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.