Les propos tonitruants du président Trump qualifiant d’animal et de bête le terroriste auteur de l’attentat de New York le 31 octobre 2017, ont réveillé notre vigilance au sujet des locutions qui font référence à l’animal pour souligner ou qualifier un aspect physique, un trait de caractère, une vertu ou un défaut de l’homme.
Dans la langue française certaines expressions sont plus ou moins poétiques, ou innocentes : doux comme un agneau, chaud comme une caille, gai comme un pinson, frais comme un gardon, rusé comme un renard ; elles ne sont pas agressives et peuvent paraître acceptables, encore que les adjectifs sont totalement arbitraires, et inappropriés. Autant s’en dispenser, car elles n’ont aucun rapport avec la réalité. Le pinson n’est pas plus gai qu’un rouge-gorge ou un corbeau, et le chant des oiseaux n’exprime probablement pas la gaieté, surtout quand il sert à marquer le territoire et à appeler un partenaire. Le renard n’est pas plus rusé que les autres prédateurs, qui, s’ils ne l’étaient pas également, resteraient toujours à jeun. Certaines vertus ne sont attribuées à des animaux que pour une comparaison flatteuse ou valorisante pour l’homme, au point que des animaux sont devenus des emblèmes héraldiques de puissance comme le lion, le léopard ou l’aigle.
Dans la plupart des cas, les références à l’animal marquent un véritable irrespect pour sa nature réelle, ou même constituent une véritable injustice ou une insulte. Les exemples sont innombrables. Paresseux comme une couleuvre ou comme un lézard (qui restent au soleil pour faire monter la température interne et activer le métabolisme), sale comme un cochon (qui ne se vautre dans la boue que parce qu’on ne lui donne pas d’eau claire), myope comme une taupe, muet comme une carpe (qui meurt asphyxiée, sortie de l’eau, et ouvre la bouche pour tenter d’oxygéner ses branchies), laid comme un singe (et nous donc…), peureux comme un lièvre, têtu comme une bourrique, cruel comme un tigre, orgueilleux comme un pou, voleur comme une pie. Tous ces défauts sont proprement humains : n’y mêlons donc plus l’animal, comme si nous voulions nous en décharger, en le chargeant. Et s’il fallait vraiment user d’un élément de comparaison, choisissons-le dans notre espèce si admirable, où la méchanceté, la cruauté, le mensonge, le vol, la lubricité, la lâcheté, l’orgueil, se rencontrent à tout instant.
Au sommet de l’irrespect, il faut placer bêtise et bête, adjectif parfois complété par comme une oie. En quoi donc l’état animal, l’animalité, peuvent-ils être assimilés à ces états proprement humains que sont la stupidité, la sottise, l’imbécillité (et d’autres…) ? Et pourquoi parler de bestialité pour qualifier une violence ou une cruauté propres à l’homme ? Et pourquoi dire d’un individu qu’il est animal, ou bestial, alors qu’il est cruel et violent, c’est-à-dire exactement, et spécifiquement humain ? Et au même sommet de l’irrespect de l’animal, il faut placer balance ton porc, slogan parfaitement insultant, infamant et malvenu, pour qualifier un agresseur sexuel.
Nous devrions nous efforcer de chasser de notre langage de tous les jours toutes les expressions dégradantes pour l’animal. Ce serait là une action quotidienne de respect envers lui, et même tout simplement, une action culturelle. Il est pourtant assez tentant de coiffer le président Trump… d’un bonnet d’âne.
Article publié dans le numéro 96 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.