Deuxième volaille la plus consommée en France, la dinde n’est pourtant protégée par aucune réglementation spécifique, ce qui autorise toutes les dérives.
50 millions de dindes élevées de façon intensive
En France, 97 % des dindes vivent en élevages intensifs. En l’absence de réglementation spécifique, ces animaux sont concentrés en toute légalité dans des bâtiments surchargés souvent très faiblement éclairés afin de limiter le risque d’agressivité, et sans aucun accès à l’extérieur. En outre, la litière n’est pas changée entre l’arrivée des dindonneaux et leur départ pour l’abattoir soit 3 à 4 mois plus tard (en raison de leur dimorphisme sexuel, les dindes femelles sont envoyées à l’abattoir au bout de 3 mois tandis que les mâles sont élevés jusqu’à 3,5/4 mois en élevage standard). Le contact permanent avec cette litière rapidement sale et humide engendre des lésions cutanées ainsi que des problèmes respiratoires liés à l’émission de vapeurs d’ammoniac. Ces conditions de détention ont de multiples incidences sur les animaux qui souffrent de stress, de frustrations comportementales, de blessures, ainsi que de problèmes locomoteurs. Nombre de dindonneaux meurent avant d’avoir atteint l’âge auquel ils sont habituellement abattus (Enquête avicole menée dans le Grand Ouest rapporte un taux de perte moyen de 8 %. Synagri, 2015).
Des animaux mutilés pour les conformer aux conditions d’élevage
Les dindes subissent des mutilations douloureuses afin de limiter les blessures qu’elles s’infligent entre elles en raison de leurs mauvaises conditions de vie. Ainsi, à l’image des poules pondeuses, la majorité des dindes sont épointées. Certaines sont même dégriffées afin de prévenir les conséquences des potentielles attaques.
Le choix de souches lourdes préjudiciable à la santé des dindes
En élevage intensif, les dindes appartiennent à des souches médium ou lourdes sélectionnées pour leur croissance rapide et leur très forte corpulence. Ces animaux sélectionnés pour produire de la viande atteignent 11 kg à 4 mois contre 3,5 pour leurs cousins sauvages américains. Cette prise de poids extrêmement rapide n’est pas sans conséquence ; ces dindes sont prédisposées aux boiteries et nombre d’entre elles ont des difficultés à se déplacer.
Une reproduction naturelle impossible
En raison de leur poids et de leur morphologie, ces dindes ne peuvent se reproduire naturellement. Les mâles reproducteurs sont donc « massés » pour récolter leur sperme et les femelles inséminées chaque semaine. Ces multiples manipulations, effectuées le plus souvent de nuit, sont sources de stress et peuvent occasionner des blessures. Les reproducteurs souffrent en outre du rationnement alimentaire qui leur est imposé pour limiter leur prise de poids. Enfin, ces animaux, à l’instinct maternel très marqué, sont empêchés de couver par l’utilisation de techniques diverses (déplacements forcés, nids éjecteurs…).
Comment agir pour améliorer les conditions de vie des dindes ?
À titre individuel, chaque citoyen peut agir personnellement en privilégiant dans ses achats les produits issus des 3 % d’élevages plus respectueux des dindes, reconnaissables aux mentions fermières Label Rouge ou Biologique. Dans ces élevages, les animaux ont accès à un parcours extérieur, les densités sont moindres et les souches rustiques utilisées n’exposent pas les dindes aux mêmes problèmes de santé que ceux que connaissent les souches utilisées en élevage standard.
En outre, des organisations de protection animale telles que l’association WELFARM demandent qu’une réglementation contraignante soit adoptée au plus vite pour protéger les dindes d’élevage. Cette association souhaite en particulier une limitation de la densité, l’accès à un parcours extérieur et l’utilisation de souches à croissance lente. Les citoyens sont appelés à soutenir cette proposition en signant la pétition destinée au ministre de l’Agriculture sur le site de leur campagne "viededinde".
Pauline Di Nicolantonio
Plus d’informations sur l’élevage de dindes en France et sur la campagne #VieDeDinde sur www.viededinde.fr. Pour recevoir le dossier technique contactez courrier@welfarm.fr
Article publié dans le numéro 92 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.