L’homme de Florès… fait florès

Considérant que le genre humain fait partie du monde animal, il est parfaitement justifié qu’un article le concernant ait sa place dans cette revue, surtout s’il confirme qu’il a été soumis aux mêmes lois de l’Évolution que toutes les autres espèces animales. Entrons donc dans le sujet sans hésiter.

Grotte de Liang Bua, Florès, Indonésie
Grotte de Liang Bua, Florès, Indonésie . © Rosino-wikimedia commons

Dans son numéro du 9 juin, la revue Nature a présenté les travaux de deux chercheurs (Gerrit van den Bergh et Adam Brumm, de l’université de Wollongong en Australie, et leurs collègues) sur les restes d’un hominidé découverts à la fin de 2014 sur un nouveau site de l’île de Florès. Rappelons qu’en 2004, dans la grotte de Liang Bua à l’ouest de l’île, avaient été découverts les restes squelettiques d’un hominidé caractérisé par sa très petite taille, et son volume crânien ne dépassant pas celui d’un pamplemousse.

Une controverse avait opposé les paléontologues :

S’agissait-il d’une espèce nouvelle d’hominidé, ou de vestiges d’hommes « modernes » atteints de malformations liées à l’anencéphalie ?

Crâne humain contemporain et l’Homme de Florès
Crâne humain contemporain et l’Homme de Florès. © Peter Brown

Dans notre article du n° 53 de cette revue, nous appuyant sur les connaissances en embryologie tératologique, nous avions fermement écarté cette deuxième hypothèse comme étant insensée, aux motifs que l’individu porteur d’une microcéphalie réduisant le cerveau au ¼ de son volume normal est incapable de survie autonome, surtout à l’époque, et que la rareté de cette malformation (actuellement 1 pour 50 000 naissances) interdit absolument que l’on trouve rassemblés plusieurs squelettes qui en sont porteurs ! La première hypothèse a prévalu.

Baptisé « Homo floresiensis », cet hominidé a été identifié comme issu d’une population Homo erectus partie d’Afrique, qui a migré vers l’Asie, où elle est arrivée il y a un peu plus d’un million d’années ; des individus ont accédé à Florès (probablement alors qu’elle n’était pas isolée du continent). Une fois transformée en île, ils ont perdu tout contact avec des congénères, et ils ont évolué vers un « nanisme insulaire », selon la règle imposée dans cet environnement comme adaptation nécessaire à des ressources disponibles limitées, une règle qui s’est appliquée également au Stégodon, un éléphant nain vivant à Florès en même temps que H. floresiensis.

De nouveaux fossiles découverts

Les nouveaux ossements fossiles découverts en 2014 à Florès, sur le site de Mata Menge, le lit d’une ancienne rivière à 74 km du site Liang Bua, sont composés d’un morceau de petite mâchoire inférieure et de six petites dents provenant d’au moins trois individus différents. Ils sont datés de 700 000 ans, et sont « remarquablement similaires » à ceux d’H. floresiensis, bien que moins spécialisés ; de cela on conclut qu’ils ont appartenu à une forme plus ancienne.

Un autre indice appuie le lien étroit entre les deux groupes : les outils de pierre trouvés sur les deux sites de Mata Menge et Liang Bua présentent de grandes similitudes. Les auteurs en ont tiré la conclusion que les individus découverts à Mata Menge seraient les ancêtres directs des H. floresiensis découverts à Liang Bua, et que ce stade d’évolution intermédiaire valide l’hypothèse selon laquelle H. floresiensis est un descendant rapetissé de H. erectus, en même temps qu’il contribue à éliminer définitivement l’hypothèse d’Homo sapiens atteints de pathologies. D’autres fossiles seront peut-être bientôt mis au jour, notamment dans des sédiments vieux de 900  000  ans à Mata Menge, ainsi que sur d’autres sites plus anciens de la région du bassin de Soa, sur l’île de Florès.

L’Homme de Florès a beaucoup de succès, et n’a pas fini de faire parler de lui. Nous continuerons à nous y intéresser, parce qu’il est le résultat de l’Évolution qui concerne tout le monde vivant, végétal comme animal, qui diversifie les espèces, les modifie pour les adapter à de nouvelles conditions, et les fait disparaître, une Évolution à laquelle le genre humain n’a pas échappé : dans les derniers 2,5 millions d’années, il a compté au moins neuf espèces d’humains, dont seule la nôtre Homo sapiens a survécu (mais pour combien de temps ?…).

Jean-Claude Nouët

Article publié dans le numéro 92 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.

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