Le ministre Allemand de l’Agriculture a annoncé mettre fin au broyage à vif des poussins mâles, d’ici à 2016. Le président de la LFDA, Louis Schweitzer, a écrit au ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, afin de l’interpeller sur la situation des poussins mâles dans l’industrie dans le but d’améliorer leurs conditions de vies.
Au 30 septembre, le ministre n’a pas donné de réponse à ce courrier (voir ci-dessous). Peut-être aura-t-il répondu, ainsi qu’il l’avait annoncé le 10 août, aux parlementaires (26 députés et six sénateurs) qui l’ont interpellé à ce sujet par question écrite publiée au JO du 30 juin ? Le plus stupéfiant dans ce dossier des poussins écrabouillés dans l’engrenage de deux cylindres ou étouffés dans des sacs poubelles, est que ces pratiques odieuses sont dénoncées depuis que l’élevage des poules pondeuses en batteries de cages pondeuses s’est imposé, c’est-à-dire depuis six décennies, sans qu’aucune autorité ait décidé d’y mettre fin.
Rappelons que les races de poules et de poulets sont sélectionnées, et sont spécifiques aux filières industrielles œufs et poulets de chair. Dans la filière œufs, les poussins femelles sont triés dès leur éclosion et sont seuls conservés; les poussins mâles sont éliminés, puisque non utilisables dans la filière chair. Combien sont ainsi détruits?
En nous limitant à la production des œufs en France et selon la Note de conjoncture de l’Institut technique de l’aviculture (ITAVI)d’octobre 2014 que nous préférons citer comme référence fiable, on compte 42 millions de poules pondeuses, dont les 2/3 détenues en batteries de cages et 1/3 en élevages dits « alternatifs », c’est-à-dire au sol (en hangar fermé), ou en plein air, ou en élevage bio, ou encore sous Label rouge (notons que le terme alternatif est volontairement dévalorisant alors que sur le critère du bien-être des poules, ces modes d’élevage devraient être la règle générale).
Le sex-ratio dans l’espèce poule étant de 50/50, ce seraient donc 21 millions de poussins mâles qui ont été tués, et mal tués, après que les œufs, dont ils sont éclos, avaient été couvés pour rien. Un tel gâchis de vies, une telle accumulation de souffrances ont remué les consciences, et d’autres moyens ont été recherchés au long des années :
- La poursuite de l’incubation des œufs mâles de lignées ponte, et élevage de poulets qui, avec une alimentation adaptée, peuvent atteindre 650 g en 50 jours et être abattus ;
- le croisement entre la lignée ponte et la lignée chair aboutissant à une production d’œufs inférieure, avec des coûts de production de chair plus élevés ;
- la détermination du sexe des œufs incubés: embryons mâles et femelles peuvent être identifiés selon des taux différents d’hormones dans le liquide allantoïdien ;
- la détermination du sexe par une méthode d’optique fondée sur la différence de taille des chromosomes sexuels de l’embryon.
C’est cette dernière voie technique qui a été retenue par le ministre fédéral allemand. D’ici à l’échéance de 2016, des travaux devront rechercher à l’optimiser et à l’automatiser, tout en garantissant que les embryons femelles ne soient pas lésés, après quoi les entreprises commerciales auront à concevoir les dispositifs standards. En quoi consiste cette méthode ?
Elle s’applique à des œufs contenant un embryon de 72 heures, possédant déjà des ébauches d’organes tels que tube nerveux, tube cardiaque, et vascularisation, intra et extra-embryonnaire, celle-ci bien développée à la surface du jaune. Le système nerveux est à un stade primitif où aucun organe relatif à la perception de la douleur n’est présent, même à l’état d’ébauche. Un laser est utilisé pour faire un trou microscopique dans la coquille de l’œuf, sans léser la membrane coquillière.
Par ce trou, un spectroscope envoie un faisceau de lumière dans le « proche infrarouge Raman » vers les vaisseaux périembryonnaires. L’analyse du motif de diffusion de la lumière par les cellules sanguines (qui diffère suivant la nature des chromosomes sexuels) permet de distinguer le sexe de l’embryon. Ensuite, le trou dans la coquille est bouché, et l’œuf contenant un embryon femelle peut poursuivre son incubation normale.
Les œufs « mâles », au lieu d’être réduits en bouillie et jetés, peuvent être utilisés dans des procédés industriels, y compris dans la composition d’aliments pour animaux et l’industrie chimique, ou peuvent aussi poursuivre leur développement embryonnaire comme modèle alternatif de recherche. Ce sexage prend actuellement environ 20 secondes par œuf, mais les améliorations techniques attendues pourraient le réduire à moins de 10 secondes.
La méthode sera donc rapide, fiable, peu coûteuse (pas plus que le sexage des poussins), et satisfaisante du point de vue éthique. Cela justifie pleinement la décision du ministre fédéral allemand de l’Agriculture de la mettre en application dès 2016. Il est à souhaiter que les autres pays producteurs d’œufs de la communauté, dont la France, suivent cette initiative. Notre Fondation LFDA attend avec intérêt la réponse de M. Stéphane Le Foll au courrier que lui a adressé son président.
Jean-Claude Nouët
Courrier du président Louis Schweitzer à M. Stéphane Le Foll au sujet du broyage des poussins
En date du 19 juin 2015
Monsieur le Ministre,
Le 14 décembre 2014, le Ministre Fédéral de l’Agriculture de l’Allemagne Christian Schmidt, son homologue hollandaise Sharon Dijksma et le Ministre de l’Agriculture danois Dan Jørgensen ont signé à Vught une déclaration commune sur le bien-être animal, dans laquelle ils se sont engagés à agir sans délai en vue d’une amélioration des conditions de vie des animaux. Ils ont invité leurs homologues européens à se joindre à leur initiative.
Ces ministres insistent notamment sur la nécessité d’améliorer la mise en œuvre et les contrôles des normes de bien-être existantes, de mettre fin à certaines pratiques telles que les mutilations non-thérapeutiques des animaux, et d’apporter une protection aux nombreux animaux oubliés des directives et règlements communautaires.
La Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences, que j’ai l’honneur de présider, souhaiterait savoir si vous envisagez de vous joindre à l’initiative commune des ministres européens de l’agriculture, afin d’améliorer d’une façon générale les conditions de vie des animaux.
La déclaration commune des ministres a été rapidement suivie d’effet puisque M. Christian Schmidt, ministre allemand de l’Agriculture, a déclaré qu’il sera mis fin dès 2016 au broyage des poussins mâles pratiqué par l’industrie des poules pondeuses, grâce à la technique de spectroscopie Raman mise au point par l’Université de Leipzig. Cette technique est rentable et respectueuse de l’animal puisqu’elle permet, en 15 secondes et sans contact avec l’embryon, de déterminer son sexe dans les 72 heures suivant la fécondation, stade auquel l’embryon n’est pas encore sensible et peut être détruit sans occasionner de souffrances.
Sur ce point particulier, la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences désire savoir si la France considère comme souhaitable et possible à l’instar de ses voisins allemands, de mettre fin à la pratique du broyage des poussins vivants.
Je vous remercie de bien vouloir prêter attention au présent courrier et vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre…