Dans les gibecières on trouve…

La chasse est souvent décriée, pourtant, elle se voit bénéficier de la réserve parlementaire de 90 millions d’euros attribuée par les élus.

On trouve des perles…

La lecture des articles concernant la chasse parus dans la presse, notamment régionale, d’une part montre une réelle inquiétude des milieux de la chasse devant la chute constante du nombre des permis, et d’autre part permet de récolter des perles significatives de leur discours, stéréotypé, déconnecté, hors-sol, et presque sectaire. On le retrouve identique quel que soit l’organe de presse. Quelques exemples suffisent, pour saisir l’ambiance :

La chute des effectifs :

  • Il y a 17 ans la société de chasse avait 157 membres. La saison dernière nous n’étions plus que 72…/…La raison : les jeunes chassent très peu, les autres vieillissent.
  • La France est le premier pays de chasseurs en Europe. Pour autant leur nombre tend à diminuer régulièrement. Le président de la société locale espère une relève.
  • Comme partout, le nombre des chasseurs a diminué : 11 215 en 2015 contre 11 588 l’an passé.

Le repeuplement artificiel :

  • La dernière saison a été bonne pour la bécasse et le faisan (sic !).
  • Il reste quelques faisans qui pourraient se reproduire. Nous allons reconduire le lâcher de gibiers à hauteur de 50 perdrix et 120 faisans.
  • Chaque année nous lâchons 350 à 400 faisans, comme nous le ferons cette année encore avant le 20 septembre.
  • Nous allons procéder à des lâchers de gibiers, 100 perdrix et 400 faisans.

Le discours valorisant :

  • La chasse participe à une gestion pragmatique des territoires ruraux et périurbains. Entre le maintien de la biodiversité et la création d’emplois non délocalisables, les chasseurs sont les partenaires d’une écologie durable.
  • 571 chasseurs ont été formés au tir à balle du grand gibier et 481 à la sécurité en battue. Cela prouve le dynamisme de notre organisation à participer activement à l’économie sociale et solidaire dans le département (sic !).

Une récente estimation a indiqué que plus de la moitié des chasseurs dépassent les 55 ans, et que seulement 5 % d’entre eux ont 25 ans et moins. Faisons un peu d’arithmétique : 5 % de 1 million de chasseurs, cela fait 50 000 : on voit mal comment ces 50 000 jeunes qui chassent réussiraient à imposer la pérennité du massacre de la faune aux 65 millions de Français, alors que leur nombre lui-même va aller en diminuant et que les plus de 55 ans vont passer… l’arme à gauche.

Allons, encore quelques années de patience, et la chasse de loisir va disparaître, inéluctablement condamnée par le bon sens, la morale, le respect croissant du vivant, la prise de conscience écologique, et les modifications climatiques.

et des… « espèces »

En attendant cette libération, la chasse bénéficie du soutien absolu du Sénat et de l’Assemblée nationale, assuré par des parlementaires vigilants. Vigilants et, pour beaucoup, généreux. On sait (et l’on ne sait pas assez…) que les deux Chambres disposent d’un budget particulier mis à la disposition des sénateurs (c’est la « dotation parlementaire »), et des députés (c’est la « réserve parlementaire »).

Pour 2014, la réserve parlementaire était de 90 millions d’euros, de sorte que tout député a disposé en moyenne de 156 000 € ; le sénateur lui a pu disposer de 160 000 €, la dotation parlementaire s’élevant à 56 millions d’euros. Il s’agit là de moyennes théoriques résultant de la division du budget total par le nombre d’élus ; mais comme la somme attribuée à chaque parlementaire est calculée proportionnellement à sa fonction, dégressivement depuis le président, les membres du Bureau, les présidents de groupe, etc., le parlementaire « de base » a disposé en 2014 de quelque 130 000 € pour le député, et 140 000 € pour le sénateur.

Ce sont des sommes assez considérables, dont députés et sénateurs peuvent disposer chaque année et quasi à leur convenance pour subventionner associations, municipalités, travaux, entreprises, etc., leur choix répondant à des critères personnels de tous genres, conviction, éthique, notoriété locale, relations publiques, etc.

Mais le choix se fait-il toujours pour le bien public? Connaissant les soutiens indéfectibles des deux Chambres apportés à la chasse, se traduisant par la multiplication de textes législatifs favorables (voir Note ci-après) nous avons recherché qui, parmi les élus, doublent leur soutien politique par une aide financière.

Les deux listes complètes sont faciles à trouver ; elles sont détaillées, classées par élu ou par destinataire, faciles à consulter, très instructives, mais les consulter dans les détails demande du temps :

  • la liste de la « dotation » (Sénat) totalise 6 125 lignes budgétaires (une ligne par destinataire),
  • et la liste « réserve » (Assemblée nationale) 13 200 lignes (132 pages de 100 destinataires) !

Concernant les subventions accordées à la chasse, la liste des sénateurs est étonnamment courte : Pierre Frogier (15 000 €), Alain Bertrand (2 000 €), Jean-Marc Pastor (500 €), Yvon Collin (3 000 €) et Alain Bertrand (6 000 €). En revanche, on dénombre 48 députés arroseurs, dont certains se distinguent particulièrement : Jean-Pierre Georges – UMP (24 000 €), Jean-Pierre Vigier – UMP (16 500 €), Christophe Priou – UMP (10 000 €), Patrick Verchère – UMP (9 000 €), Christian Kert – UMP (5 000 €), Franck Renier – UDI (5 000 €), Michel Zumkeller – UDI (5 000 €), Christian Assaf – SRC (4 000 €), Vincent Barroni – SRC (3 000 €).

À ces attributions s’ajoutent certainement une part des innombrables subventions attribuées à des municipalités en rapport direct avec le député ou le sénateur local, part qui est versée à l’association locale de chasseurs ou la fédération départementale par de très nombreuses municipalités partout en France, comme chacun le sait ; le total national de ces versements par les communes est important, mais il n’est pas chiffrable, faute de pouvoir consulter tous les budgets communaux.

Il est assez aisé, en revanche, de trouver qui bénéficie de la générosité de tel ou tel parlementaire, et notamment quelles communes. Par exemple, Philippe Plisson, président du Groupe Chasse de l’Assemblée nationale, a versé un total de 91 500 € à cinq communes de la Gironde, sans attribution précise.

On peut tout aussi facilement trouver sur la liste quelles sont les communes qui ont reçu des fonds de chacun des membres de cet éminent groupe parlementaire chasse… On peut aussi, c’est seulement affaire d’y passer du temps, trouver quels parlementaires auraient eu la généreuse initiative de subventionner des ONG de préservation de la nature ou de « protection animale »… 

La comparaison avec la chasse serait probablement significative, hélas. Au résultat, la chasse reçoit ainsi des aides financières considérables. Peut-être faut-il voir dans ces versements sonnants et trébuchants la véritable signification de la préservation des « espèces » dont la chasse se réclame… à cor et à cri…

Ce qui est passablement choquant et même révoltant, c’est l’utilisation de l’argent public issu des divers impôts et taxes payés par les contribuables pour soutenir, pour des motifs et/ou des buts strictement personnels, des groupements dits associations ou fédérations de chasseurs, totalisant 1 million d’individus sur 65 millions, dont la passion mortifère ne bénéficie en rien au bien général, et se trouve au contraire désavouée par la majorité des citoyens.

Il en est de même, au passage, pour l’utilisation de la « réserve » ou de la « dotation » à des versements effectués au bénéfice des corridas. Il est vrai, que dans l’un et l’autre cas, chasseurs et aficionados sont des électeurs…

Jean-Claude Nouët

NOTE: La bienveillance des parlementaires à l’égard de la chasse est telle qu’elle les a conduits à introduire dans le code de l’environnement (article L 420-1) une « déclaration » arbitraire, une opinion parfaitement discutable, qui n’a pas sa place dans un code législatif : « La gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats est d’intérêt général. La pratique de la chasse, activité à caractère environnemental, culturel, social et économique, participe à cette gestion et contribue à l’équilibre entre le gibier, les milieux et les activités humaines en assurant un véritable équilibre agrosylvo-cygénétique. »

Cet article du code a légitimement suscité un commentaire juridique bien asséné dans le Dalloz Code de l’environnement édition 2015 (page 753) : cet article est « censé légitimer une activité de plus en plus souvent contestée dans son organisation : il en ressort une impression de verbiage et de jargon dont les effets normatifs semblent aléatoires. L’hommage rendu ici aux chasseurs pour la conservation de la biodiversité frise le ridicule, dans la mesure où aucune autre catégorie sociale n’en fait l’objet, et notamment pas les associations de protection de la nature ».

Verbiage, jargon, ridicule, voilà des termes sévères qui désavouent et stigmatisent le lobbying militant des parlementaires qui ont osé introduire dans le code la profession de foi des chasseurs, répétée en boucle dans leur cercle, au point de ressembler à une litanie de secte.

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