CR: Les Droits de l’Animal

Jean-Claude Nouët et Jean-Marie Coulon, 2e édition Dalloz 2019 (1ère édition 2009), collection À savoir, 240 pages, 4 €.

Cette ré-édition constitue une indispensable mise à jour des principaux thèmes « sous la forme d’un dialogue vivant, accessible à un large public et construit autour de quelque 70 questions ».

Les droits de l'animal

L’ouvrage est préfacé par Nicolas Hulot, qui montre un engagement moral intense en faveur de la condition animale ; il se termine par 14 références bibliographiques permettant « d’aller plus loin ».

Avec son vrai format « poche » (8x12 cm) et 217 pages, il est un compagnon indispensable, aisément consultable. Le sommaire expose les principaux thèmes et leur contenu est détaillé dans la table des matières :

  1. Des droits pour l’animal ? Lesquels et pourquoi ?
  2. Comment passe-t-on du concept de droits de l’animal aux prescriptions du droit ?
  3. Quelles relations entre droits de l’animal et droits de l’homme ?
  4. Comment l’animal est-il appréhendé par le droit positif français ?
  5. Quelles perspectives juridiques d’avenir pour les droits de l’animal ?

Chaque thème fait l’objet de discussions approfondies et détaillées qui montrent au lecteur comment s’est (trop) lentement construit l’édifice actuel du droit animal.

Les droits de l’animal, objet de la première partie, sont liés au fait que c’est l’homme qui a des devoirs à l’égard de l’animal, dont il doit prendre en compte la sensibilité et assurer le bien-être, qu’il s’agisse des animaux familiers, d’élevage ou sauvages captifs. « Il faut insister sur le fait que cette notion de bien-être se rapporte à l’état de l’animal et sur le fait que le droit au bienêtre correspond à un besoin de l’animal de vivre dans cet état de pleine satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux » (p.12).

La situation des animaux sauvages vivant en liberté est périlleuse comme le révèlent les atteintes dévastatrices actuelles à la biodiversité. L’animal d’une espèce sauvage est ignoré à titre individuel ; seule est considérée l’espèce en cause au titre de ses seuls effectifs (par exemple, « espèce menacée », « espèce en voie d’extinction », etc. selon les données inquiétantes de l’UICN (Union Internationale de Conservation de la Nature). Les droits environnementaux doivent-ils prendre le relai des seuls droits de l’animal ? Ces animaux ne deviennent un objet juridique que si leur espèce est inscrite dans l’une des trois listes réglementaires suivantes :

  • espèces menacées et à protéger totalement ou partiellement,
  • espèces qu’il est autorisé de chasser ou de pêcher dans des conditions réglementées,
  • espèces dites « nuisibles » essentiellement à l’agriculture et à la pratique de la chasse.

« En France, tous les autres animaux sauvages libres qui n’appartiennent à aucune de ces listes, n’ont aucune existence juridique, ils ne sont « rien », constatation doublement inacceptable, parce que les animaux ne sont pas des « choses », et qu’ils n’ont pas à appartenir à quelqu’un pour exister » (p.43).

Côté sensibilité, il est indispensable d’en définir les degrés, variables selon les espèces et l’organisation de leurs structures nerveuses centrales depuis la nociception qui entraîne un réflexe d’évitement, jusqu’à la capacité à ressentir une douleur ou des émotions négatives en cas de frustration, angoisse ou contrainte, liées – ou pas – à une douleur physique. « Ces degrés de la sensibilité des animaux qui marquent des niveaux de référence neurobiologiques, n’interfèrent pas sur leurs droits généraux, mais il doivent induire des pratiques prenant spécifiquement en compte ces divers degrés » (p.25). Ces singularités, établies expérimentalement, n’éludent pas le constat regrettable que tous les animaux ne bénéficient pas d’un même degré d’empathie de la part des humains, « ce que l’on peut nommer une éthique se manifestant en cercles concentriques correspondant des obligations morales de degrés décroissants » (p.18).

Ce n’est qu’en 2015 qu’un amendement a été adopté modifiant le Livre II du Code civil dont le sous-article 515 édicte : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens corporels ». La sensibilité était reconnue depuis la loi de 1976, transcrite dans le code rural (art. L 214-1) mais le vote du 15 avril 2015 a permis de rapprocher les trois codes : civil, rural et pénal, ce dernier leur reconnaissant implicitement cette nature, puisqu’il punit les atteintes à leur sensibilité. Cependant des incohérences subsistent quand on met les textes en pratique. Ainsi, :

« les gibiers d’élevage, animaux sauvages en captivité sont concernés par l’article L. 214-1 du code rural et sont donc reconnus être sensibles. Le fait de les relâcher dans la nature leur fait perdre cette sensibilité.  L’incohérence juridique se double d’un non-sens scientifique  » (p. 158).

Le sujet de l’expérimentation scientifique sur les animaux est développé par rapport à l’édition 2009. En effet la nouvelle Directive 2010/63/UE (22 sept. 2010) vise spécifiquement « la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques ou éducatives ». Elle a été transposée en droit français le 1er février 2013 par le décret 2013-118, inclus dans le code rural, et quatre arrêtés d’application, dont l’un concerne l’évaluation éthique et l’autorisation de projets impliquant des animaux. Tout projet expérimental doit faire l’objet d’une autorisation préalable du ministère de la recherche, puis d’un examen du Comité d’éthique de l’établissement dont dépend le concepteur du projet. Les recherches sont conduites selon la règle des 3R (Remplacer l’animal, Réduire le nombre d’animaux, Raffiner les méthodes expérimentales). Mais « Le remplacement reste encore insuffisant, et au niveau européen, seulement deux douzaines de méthodes substitutives sont actuellement validées et adoptées au niveau communautaire, donc obligatoirement utilisables » (p.134).

Faisant référence à de nombreux textes juridiques, ce livre nous confronte à la réalité inacceptable imposée aux animaux sauvages libres comme à ceux dits « de rente » et concentrés dans les élevages industriels. Les textes existants sont-ils appliqués ? Veut-on vraiment les appliquer ? Veut-on punir de façon exemplaire les délinquants ? Faut-il continuer à tolérer des cruautés au prétexte de traditions ? Le droit de l’animal, en France, porte la tache révoltante de la tolérance, parfois délibérément établie par dérogation.

Outre la dénonciation des situations négatives, les discussions abordées dans le dernier chapitre permettent d’espérer un renforcement de l’approche positive des droits de l’animal, qui ont progressé grâce à l’inlassable opiniâtreté de leurs défenseurs, auxquels Nicolas Hulot rend hommage dans sa préface.

Il est essentiel de lire, de faire lire, d’offrir cet ouvrage (4 € !). Grâce aux solides informations qu’il apporte, l’opinion publique pourra mieux comprendre l’importance des nombreux sujets et questions traités, et contribuer au progrès moral qu’est le respect de l’être animal. Le livre se termine par le texte de la nouvelle Déclaration des droits de l’animal.

Alain Collenot

Article publié dans le numéro 100 de la revue « Droit Animal, Éthique & Sciences »

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