La castration à vif des porcelets soulève des protestations depuis des années. À la suite de la campagne de l’association WELFARM contre la castration à vif des porcelets (voir illustration), une pétition de plus de 100 000 signatures a été remise au ministère de l’Agriculture le 26 mai der-nier. Revenons sur cette pratique douloureuse et qui est évitable, comme nous le verrons.
Pourquoi castrer des porcelets ? Cela permet d’éviter, lorsque l’acte de castration est pratiqué correctement, l’odeur de verrat ». Cette odeur est révélée à la première cuisson de la viande. Elle ne concerne donc pas les plats de charcu-terie non cuite et les plats préparés que l’on réchauffera une seconde fois. Cette odeur devient gênante dans seulement 3 % des cas environ (1). Même lorsqu’elle est présente, seul un consommateur sur deux y est sensible. Cette odeur est la justification principale de cette pratique. En effet, les études ne montrent pas de différence en termes d’agressivité (blessures, etc.) entre les porcs castrés et les porcs entiers (2).
Une douleur non prise en charge
Aujourd’hui, la castration du porcelet est pratiquée à vif, au scalpel, sans aucune obligation de prise en charge de la douleur jusqu’à l’âge de 7 jours. En effet, la directive « Porcs » (3) prévoit que « si la castration ou la section partielle de la queue sont pratiquées plus de sept jours après la naissance, une anesthésie complétée par une analgésie prolongée doit être réalisée par un vétérinaire ». Rappelons que cette limite arbitraire de 7 jours date d’un temps où il était encore considéré que les nouveau-nés, y compris humains, étaient insensibles à la douleur, ce qui a été largement infirmé par la science depuis. Ainsi, si l’on considère que les jeunes de plus de 7 jours doivent bénéficier d’une prise en charge de la douleur, il n’y a aucune justification rationnelle à la refuser aux plus jeunes. On sait également que la douleur issue de cette castration est vive et perdure plusieurs jours. De plus, une telle douleur a souvent des répercussions tout au long de la vie : douleurs chroniques et augmentation de la sensibilité à la douleur par exemple. Enfin, n’oublions pas qu’il s’agit d’un acte chirurgical pratiqué par du personnel non vétérinaire pour des raisons pratiques et économiques, mais avec les risques que cela comporte.
Des alternatives sans souffrance existent
Il existe pourtant des alternatives à la castration à vif pour éviter cette souffrance aux jeunes porcelets. Il s’agit principalement de l’immunocastration et de la détection de l’odeur de verrat sur les carcasses de porcs mâles entiers.
L’immunocastration consiste en l’administration d’un analogue inactif du facteur de libération des hormones sexuelles. La » vaccination » se fait en 2 injections et provoque la production d’anticorps qui vont cibler les hormones régulant la sper-matogénèse, diminuant ainsi la produc-tion de testostérone et d’androstérone (cette dernière étant co-responsable de l’odeur, avec le scatole et l’indole). L’immunocastration ne semble avoir aucune conséquence sur la qualité sanitaire ou organoleptique de la viande.
Pour ceux qui reprochent néanmoins à cette technique de porter préjudice à l’intégrité de l’animal, ou encore de présenter un trop grand risque pour le manipulateur, une autre technique existe qui permet de laisser les porcs « en paix » jusqu’à l’abattage. Il s’agit d’élever des porcs mâles sans les castrer et de coupler cette mesure avec la détection systématique de l’odeur de verrat sur la carcasse du porc à l’abattoir. Nez humain ou nez électronique (qui demande encore un peu de développement), les carcasses odorantes sont ainsi écartées du circuit traditionnel (où l’odeur pourrait se révéler à la cuisson) et sont utilisées pour la salaison sèche et/ou les produits transformés cuits plusieurs fois.
La réduction de l’apparition de l’odeur de verrat peut également s’obtenir en manipulant d’autres variables, comme l’âge d’abattage, la stratégie de nourrissage ou de mise en lots des individus (4). Ajoutons également que, d’un point de vue zoo-technique, les porcs castrés ont un métabolisme moins efficace que les porcs entiers et sont plus sensibles aux maladies. Ainsi, se passer de la castration permet, au-delà de l’aspect éthique, un gain économique.
Agir au niveau des distributeurs
La Déclaration européenne sur les alternatives à la castration chirurgicale des porcs (Bruxelles, juin 2010) prévoit l’arrêt de la castration chirurgicale au 1er janvier 2018. Cette déclaration n’a malheureusement pas de valeur normative et dépend donc uniquement de la bonne volonté des signataires, sans obligation légale de résultat. Comment faire avancer les choses ? Vous pouvez écrire aux grandes enseignes de distribution pour leur demander de considérer les alternatives à la castration chirurgicale. WELFARM a établi un classement des marques et enseignes selon leur degré d’engagement sur cette problématique et propose en ligne un modèle de lettre dont vous pour-rez vous inspirer (5).
Sophie Hild
(1) Backus, GBC, et al. (2015). Evaluation of producing and marketing entire male pigs. NJAS-Wage-ningen Journal of Life Sciences.
(2) Zamaratskaia, G, et al. (2005). Boar taint is related to endocrine and anatomical changes at puberty but not to aggressive behaviour in entire male pigs. Reproduction in domestic animals, 40(6), 500-506.
(3) Directive 2008/120/CE du Conseil du 18 dé-cembre 2008 établissant les normes minimales relatives à la protection des porcs. La directive établit également dans son considérant 11 que « la section partielle de la queue et le meulage des dents peuvent causer aux porcs une douleur immédiate, qui peut se prolonger. La castration peut entraîner une douleur de longue durée qui est encore plus vive en cas de déchirement des tissus.
Ces pratiques nuisent donc au bien-être des porcs, en particulier lorsqu’elles sont exécutées par des personnes non compétentes et inexpéri-mentées. En conséquence, des règles doivent être définies afin d’améliorer ces pratiques. »
(4) Van Wagenberg, CPA, et al. (2013). Farm and management characteristics associated with boar taint. Animal, 7(11), 1841-1848.
(5) https://stopcastration.fr/. Pour recevoir le dossier de presse, écrivez à courrier@welfarm.fr.
Article publié dans le numéro 90 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.