Le bimestriel Animal Santé & Bien-être n°13 de mai/juin 2009 publie sous ce titre un article de Georges Chapouthier, directeur de recherche au CNRS et vice-président de la Fondation Ligue française des droits de l’animal.
« Cela peut paraître une évidence, mais l’animal n’est ni un objet, ni un homme!
Ni un objet. Contrairement à ce qu’avaient pensé les philosophes Descartes et Malebranche, l’animal n’est pas une machine, une idée que, si je puis me permettre un jeu de mots, nous qualifierions volontiers aujourd’hui de « malbranchée »! Mais, de nos jours encore, nous traitons souvent les animaux comme des objets, que l’on songe à la manière, souvent abominable, dont certains propriétaires indignes se débarrassent de leur animal à la veille des vacances?
Ni un homme.Nous ne sommes plus au Moyen-âge où, lorsqu’un animal avait tué un humain, il était traduit devant un tribunal, défendu par des avocats, et éventuellement condamné. Nous ne croyons plus aux chiens qui parlent et se comportent exactement comme nous, sauf dans les fables ou les dessins animés. Pour nous, citoyens du XXIe siècle, l’animal appartient à une troisième catégorie, ni objet, ni homme: celle d’être sensible. Un être doué d’une sensibilité qui le rapproche de nous sans nous être totalement identique.
Donner au chien sa juste place
Mais alors sachons toujours considérer l’animal le plus proche de nous, notre meilleur ami, le chien, à sa juste place.Sans vouloir choquer ceux qui entretiennent avec leur chien une relation affective exemplaire, et dont on ne peut que se réjouir, rappelons-leur que les chiens ne voient pas le monde comme nous et qu’ils ne pensent pas comme nous. Leur vision de jour est moins bonne que la nôtre au contraire de leur bonne vision nocturne et surtout de leur extraordinaire odorat, qui les plonge dans un étonnant monde de parfums que nous avons bien du mal à imaginer. En revanche, malgré leur grande intelligence, ils ne semblent cependant pas capables de supposer que d’autres aient (aussi) un esprit. Et contraire aux chimpanzés ou aux éléphants, ils n’ont pas non plus, semble-t-il, la » conscience d’être conscients ».
De la responsabilité de l’homme
Sur le plan de la morale, comme tous les animaux, ils ne peuvent être tenus à la responsabilité de leurs actes, qui reste un trait de l’humanité. C’est dans ce cadre qu’il faut considérer la question (d’actualité) de l’agression canine. Les éthologistes ont montré que, dans certains cas, l’agression peut résulter d’une mauvaise compréhension des signaux comportementaux entre les espèces, qui pourrait expliquer les cas dramatiques où, contre toute attente, des chiens réputés paisibles s’en prennent à des enfants. Malgré la forte relation affective qui les unit, un chien n’est pas un homme. Il ne faut jamis l’oublier. Mais de mauvais dressages, voire des dressages faits, par des humains dévoyés, pour encourager l’agressivité, ont des effets encore plus dévastateurs. Si le rôle des gènes ne peut être négligé dans des races sélectionnées pour la défense (mais aussi parfopis chez des animaux de races réputées paisibles), si la sélection doit s’orienter vers des animaux moins dangereux, l’éducation des chiots constitue, bien sûr, l’essentiel de la solution à cette douloureuse question.
Rappelons donc ici que, dans le cas d’agression canine, c’est en général la responsabilité des hommes qui est en cause. Et que, s’il est utile de surveiller la reproduction et l’éducation des chiens (de défense ou non d’ailleurs), il reste encore plus impératif de former le sens moral de leurs propriétaires. Quand j’étais enfant, les écoles dispensaient une bien utile « éducation civique ». Pourquoi ne pas la reconduire en la modernisant, c’est à dire en y incluant des éléments de respect de la nature et des animaux? C’est seulement en formant convenablement les jeunes que nous pourrons aboutir à une société harmonieuse pour les chiens…et pour les humains. »