Échanges avec la salle suite à la table ronde sur la réconciliation avec la faune sauvage dans le cadre du colloque « Préserver et protéger les animaux sauvages en liberté » organisé par la LFDA le 16 novembre 2021 au Grand Amphithéâtre de la Sorbonne. Par Louis Schweitzer, président de la LFDA, Maud Lelièvre, Présidente du comité français de l’UICN et membre du conseil international de l’UICN, Sabrina Krief, Vétérinaire et primatologue et Antoine Frérot, PDG de Veolia. Nous finirons par une intervention de Humberto Delgado Rosa, Directeur pour le Capital Naturel à la Direction Générale Environnement de la Commission européenne.
© Gabriel Legros
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Question 1
Bonjour. Merci d’être là et de nous apprendre tout ça. Je voudrais juste savoir, avec toutes les bonnes volontés, tout ce que l’on a envie de faire, on est quand même actuellement 8 milliards et on sera 9 milliards en 2030, est ce que tout ça peut vraiment tenir la route jusqu’au bout ?
Louis Schweitzer
Merci. C’est le problème de l’augmentation de la population du monde. Heureusement, le rythme d’augmentation décroit. Qui se sent de taille à traiter ce sujet ?
Sabrina Krief
Juste une très brève réponse. L’aspect consommation est clé, c’est-à-dire que si on est plus nombreux mais qu’on consomme mieux, qu’on recycle nos déchets, les différentes interventions vous ont donné déjà des pistes de réflexion.
Antoine Frérot
On n’empêchera pas l’augmentation de la population humaine. Et on n’empêchera pas les humains de manger. Donc il faudra bien trouver des solutions. Il existe, et on peut encore largement les améliorer, des solutions pour nourrir ces milliards de personnes avec moins d’eau, moins d’énergie, et moins de sol. Ces solutions existent aujourd’hui, elles sont maîtrisées. Il suffit de les généraliser.
Louis Schweitzer
Donc pas de fatalisme ?
Humberto Delgado Rosa
Oui mais j’ajouterai une chose. Bien sûr qu’on ne peut pas s’attendre à ce qu’une stratégie de biodiversité puisse contrôler la démographie… Mais il faut le faire. Parce que sans contrôle, ça sera la faim, les guerres, les pandémies. Mais nous savons comment le faire, et une des façons semble relativement simple : c’est la promotion des femmes. Quand les femmes ont des salaires, une autonomie, une vie qu’elles peuvent décider elles-mêmes, elles contrôlent davantage que les hommes la population humaine. L’autre solution, plus difficile pour la transition, serait une bonne politique migratoire, mais ça provoque des sentiments forts aussi.
Louis Schweitzer
Au fond, ce que je comprends, c’est qu’il suffit de le vouloir, et qu’on le peut, et qu’il n’y a pas de fatalité liée à l’augmentation de la population humaine jusqu’à 10 milliards, dès lors que ces 10 milliards sont intelligents. D’autres questions ?
Question 2
Bonjour. Je ne suis experte en rien, mais je lis la presse, et je voudrais savoir pourquoi la France enfreint toujours certaines directives européennes au nom de traditions idiotes et ridicules ?
Maud Lelièvre
Je me pose la même question. Je ne comprends pas aujourd’hui, alors qu’on a un mouvement d’opinion, ça a été rappelé en introduction avec un certain nombre de chiffres issus d’un sondage, qu’on a dans l’urbain comme dans le rural, une sensibilité de plus en plus forte, qu’on continue à maintenir certaines formes de chasse, qu’on continue à ne pas accepter la coexistence et le maintien des grands prédateurs sur le sol. Je ne comprends pas. À un moment donné, il faudra savoir si on veut continuer à avoir des contentieux européens ? À se dire que la France fait partie des pays qui détériorent définitivement les espèces ? Et si c’est ça, essayer de savoir si c’est dans cela qu’on a envie de dépenser de l’argent public. Je pense que la réponse est non, et j’espère fortement qu’à l’aune d’un certain nombre de débats, dans les élections présidentielles notamment, on pourra se dire qu’il faut trouver des moyens de dialogue et de coexistence, comme on l’a trouvé dans le social par exemple, pour faire cohabiter des points de vue différents.
Humberto Delgado Rosa
Ce n’est pas à moi d’expliquer pourquoi la France fait cela. Je peux vous dire que la tradition n’est pas un argument valable pour décider de respecter ou non des règles. La directive Oiseaux est compatible avec la chasse si elle est sélective et durable, et quelques chasses dites traditionnelles, soit à la glu, soit avec les filets, ne sont pas sélectives, et ne sont donc pas conformes au droit européen.
Question 3
Je suis étudiante en master de sciences de l’environnement et je voulais savoir comment les mesures de conservation prennent en compte le changement climatique. On sait que les zones climatiques vont bouger, on sait que les tropiques vont chauffer, et les mesures de conservation actuelles semblent assez statiques dans un monde qui se précipite vers un changement dur et rapide. Je me demandais donc s’il y a une prise en compte du dynamisme climatique dans les mesures actuelles de conservation et de restauration ?
Maud Lelièvre
J’ai esquissé quelques pistes, mais aujourd’hui, les indicateurs sont des indicateurs variables et adaptables pour justement prendre en considération la double crise du climat et de la biodiversité. Puis effectivement, on est passé de solutions tournées majoritairement vers le climat vers des solutions qui intègrent l’ensemble des données, y compris des données sociales. On ne peut pas avoir demain une planète qui est dépeuplée sur la moitié de son territoire avec des gens qui sont obligés de migrer parce qu’ils ne peuvent plus vivre, ni en raison des conditions climatiques, ni des conditions d’existence alimentaires. Aujourd’hui, on a des politiques évolutives et des indicateurs qui évoluent. C’est aussi pour ça qu’il faut renforcer l’expertise, donner plus de moyens aux centres de recherche, développer plus de politique de terrain.
Louis Schweitzer
Merci. On pourrait parler de ce sujet encore pendant très longtemps mais je sais que la réponse qui vous a été donnée était celle qu’on pouvait donner en quelques secondes. Nous continuerons à agir. Je dois dire que ce que j’entends, et des experts de cette table ronde, et de la jeunesse, me rend plutôt optimiste aussi. Merci à chacun d’entre vous.
Lire les autres interventions :
- Introduction par Louis Schweitzer
- Le respect de la faune sauvage : un impératif pour la biodiversité, un enjeu pour l’humanité par Gilles Boeuf
- Table ronde : Comprendre les menaces avec Laurence Parisot, Hélène Soubelet et Jean-Marc Landry
- Table ronde : Se réconcilier avec la faune sauvage avec Maud Lelièvre, Sabrina Krief et Antoine Frérot et Humberto Delgado Rosa
- Le rôle des associations et de l’opinion dans la protection de la faune par Allain Bougrain-Dubourg
- Message de la ministre de la Transition écologique et solidaire (vidéo), Barbara Pompili
- L’engagement pour préserver les animaux sauvages en liberté (vidéo), Nicolas Hulot et Louis Schweitzer
- Faune sauvage, de l’espèce à l’individu : un besoin de cohérence juridique par Muriel Falaise
- Table ronde : Sanctionner la maltraitance et la cruauté contre les animaux sauvages en liberté avec Loïc Obled, Marie-Bénédicte Desvallon et Manon Delattre
- Discussion avec Hugo Clément, journaliste engagé