Quelquefois, la procédure et le bon sens ne font pas bon ménage. Voici une histoire où la ruine d’un homme a fini par profiter à des millions de poules grâce à l’information du consommateur.
En bref…
- Années 60 : Pierre Rannou élève ses poules pondeuses au sol et le mentionne sur ses boîtes d’œufs.
- 1975 : interdiction de la mention du mode d’élevage sur les boîtes d’œufs.
- 1981 : création de la Coalition contre l’élevage en batterie par la LFDA et l’OABA.
- 1982 : elle devient la Coalition des consommateurs contre l’élevage en batterie.
- 1984/1985 : autorisation de la mention du mode d’élevage.
- 1999 : obligation de la mention du mode d’élevage
- 2002 : harmonisation des règles de marquage et d’étiquetage pour la vente des œufs au sein de l’UE.
Le délit…
En Bretagne, dans les années 60, Pierre Rannou élève des poules pondeuses qu’ils préfère élever au sol, où elles peuvent évoluer librement. Il vend alors ses œufs avec l’inscription : « Ferme de Saint-André, 6 œufs frais, Garantie de poules libres en poulaillers clairs, Soleil – Air pur« .
Un règlement européen de 1975 conduit à interdire une telle mention. Pierre Rannou est alors sommé de toutes parts de retirer les mentions apposées.
Mobilisation contre l’élevage en batterie
Malgré une mobilisation du public et une certaine médiatisation, Pierre Rannou est victime de menaces, sommé, assigné, condamné… Acculé, face à cet acharnement des banques et de l’administration, il cumule les dettes.
Interpellée par son sort, la LFDA s’allie en 1979 à l’Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs (OABA) pour épauler l’éleveur dans son combat. En 1981, une première coalition est créée, basée sur la protection des poules. Elle ne convainc pas et échoue face aux lobbies adverses.
Pour contourner ces obstacles, le Pr Nouët, fondateur de la LFDA, choisit de mettre en lumière les avantages dont l’homme peut bénéficier : qualités gustatives, vitaminiques, hygiéniques et sanitaires des œufs. Ainsi, en 1982, naît la Coalition des consommateurs contre l’élevage en batterie (CEB). D’emblée, la Coalition est puissante en nombre d’adhérents (près de 300 000).
Objet de la CEB : « Assurer une meilleure protection et une meilleure information des consommateurs, notamment quant aux conditions d’élevage et lutter contre l’élevage en batterie et concentrationnaire ainsi que contre toutes autres formes d’élevage où les nécessités physiologiques et ethnologiques des espèces concernées ne sont pas respectées« .
Succès
A force d’une longue bataille juridique et d’un dossier convaincant, la CEB obtient gain de cause avec, en 1984, un règlement européen qui autorise enfin la mention du mode d’élevage des poules sur les petits emballages. Ce texte sera complété en 1985 par un nouveau règlement qui apporte la précision de quatre mention autorisées : « œufs de poules élevées en plein-air, système extensif » ; « œufs de poules élevées en plein-air », « œufs de poules élevées au sol » ou « œufs de poules élevées en volière ». En 1999, un nouveau règlement impose désormais la mention du mode d’élevage sur les boîtes d’œufs. En 2002, les règles de marquage et d’étiquetage pour la vente des œufs sont harmonisées au sein de l’Union européenne.
Aujourd’hui, une évolution des mentalités s’observe chez le consommateur, qui donne sa préférence aux élevages de poules en liberté et se dit favorable à l’interdiction des élevages en cage. Les grandes enseignes de distribution se sont d’ailleurs engagées à supprimer totalement les œufs de poules élevées en cage d’ici 2025. C’est une formidable avancée pour les poules et une source d’inspiration pour les élevages d’autres animaux.
Lire aussi : L’étiquetage bien-être animal
Pour rappel :
0 : élevage biologique
1 : élevage en plein-air
2 : élevage au sol
3 : élevage en cage
« Partis d’un intérêt centré sur l’œuf, nous avions abouti à protéger la poule. L’arme du droit du consommateur avait été bien choisie. »
J.-C. Nouët, Président d’honneur de la LFDA