Le bimestriel Animal Santé & Bien-être n°12 de mars/avril 2009 publie sous ce titre un article du Pr Jean- Claude Nouët, président de la Fondation Ligue française des droits de l’animal.
« La Déclaration universelle des droits de l’animal (ou DUDA) a été proclamée le 15 octobre 1978 à la Maison de l’UNESCO à Paris, en présence de plusieurs ambassadeurs et de nombreuses personnalités scientifiques, littéraires, artistiques et politiques.
Cette déclaration résulte d’une réflexion philosophique et scientifique internationale. Elle édicte, en termes de « droits », les principes généraux d’une éthique applicable au niveau mondial et aux conduites de l’homme à l’égard de la vie animale.
L’équilibre entre la place de l’homme et celle du monde animal est bien marqué dès le préambule de ce texte qui souligne que “ le respect par l’homme des animaux est inséparable du respect des hommes entre eux ”. Il s’agit donc bien de respect, c’est-à-dire d’une préoccupation éthique.
De la protection au respect des animaux
Composée de dix articles, la Déclaration universelle vise à faire reconnaître des droits essentiels, qui sont le droit à l’existence de toutes les espèces animales de la planète dans le respect des équilibres naturels, le droit de tout animal apte à ressentir la douleur de ne pas souffrir par la faute de l’homme, et le droit au bien-être de tout animal dont l’homme est responsable.
Au nom de ces droits, elle condamne les exploitations génératrices de mal être, souvent de mauvais traitements, voire de sévices graves et d’actes de cruauté. Tels sont les systèmes industriels de productions animales, les transports traumatisants, les abattages sans étourdissement préalable; les expérimentations abusives sur les animaux vivants, les jeux cruels (corridas, combats de chiens, combats de coqs), la chasse et la pêche de loisir; la détention et le dressage d’animaux sauvages pour les cirques; la captivité d’animaux sauvages dans les zoos, delphinariums, aquariums ; les abandons et les trafics d’animaux de compagnie.
En application du droit pour toute espèce de vivre sur Terre sans être menacée d’en disparaître par la faute de l’homme, la DUDA dénonce la pêche industrielle intensive, les massacres (cétacés, éléphants, phoques..), le commerce et les trafics d’animaux sauvages capturés (c’est-à-dire volés à la nature), ainsi que les pollutions et les déforestations.
La Déclaration universelle se conclut par un appel à la promulgation de lois, et à l’instauration d’une éducation devant conduire « l’homme, dès son enfance, à observer, à comprendre et à respecter les animaux ».
Depuis trente ans, cette Déclaration a fortement contribué à modifier l’attitude de nos sociétés envers l’animal, passant d’une simple « protection » à un « respect » de l’animal et de sa sensibilité, et elle a inspiré, surtout en Europe, plusieurs textes législatifs ou réglementaires en faveur du bien-être animal comme de la préservation des espèces.
Un centre de réflexions éthiques
La Fondation Ligue française des droits de l’animal, reconnu d’utilité publique, est l’organisation la plus active dans la diffusion et la mise en application de la Déclaration universelle. Elle n’est pas, à proprement parler, une organisation de « protection animale ». Elle est un centre de réflexions éthiques, d’informations pluridisciplinaires et de propositions juridiques, qui regroupe philosophes, juristes, religieux, historiens, et scientifiques de diverses disciplines, biologie, médecine, art vétérinaire, zoologie, paléontologie, etc. Concrètement, dans ses actions, elle cherche toujours à combattre les causes, sans s’attarder à dénoncer seulement les effets, de façon à traiter les problèmes à leur source, et à proposer des solutions de remplacement.
En ce qui concerne les animaux de compagnie, la Ligue des droits de l’animal n’entre pas en concurrence avec les nombreuses associations qui s’en préoccupent. Elle se concentre sur deux problèmes de fond, qui concernent les refuges et les adoptions.
L’appel au secours de refuges en difficulté financière est souvent entendu. Il s’agit en général, de refuges dépendant d’associations locales implantées au sein d’une population trop peu nombreuse pour assurer, malgré sa générosité, des ressources financières et des moyens humains suffisants. Le seul drame est le devenir des animaux qui y sont recueillis. Comment sauver les refuges en grande difficulté ? La Ligue des droits de l’animal demande un audit général sur les refuges, ce qui donnera la vision globale de situations très variées. Elle préconise de créer par réglementation un fonds national d’entraide financé collectivement par l’ensemble des organismes de protection des animaux de compagnie à proportion de leur budget (car il est juste que les plus riches aident les plus démunis, le but de tous étant d’assurer le bien-être des animaux recueillis), ce qui permettrait de résoudre les problèmes de sauvetage d’un refuge en difficulté aigüe, et comme de participer au financement de refuges en difficulté financière chronique, par la prise en charge d’un salarié ou la fourniture d’aliments par exemple.
Le deuxième problème est celui des dates de certaines campagnes d’adoptions. Depuis près de trente ans, la Ligue des droits de l’animal suggère aux associations de ne pas proposer d’adoption au moment des fêtes de fin d’année. Elle n’a pas été écoutée, au prétexte que c’est là un moyen de stimuler des adoptions. Outre que des campagnes peuvent être ouvertes à tout autre moment, cette habitude a pour effet très nocif de perpétuer l’image de l’animal-jouet, de l’animal-cadeau, c’est-à-dire de l’animal-objet, pourtant combattue par ces associations elles-mêmes. De plus, elle a pour grave inconvénient d’empêcher de réclamer par réglementation l’arrêt à cette époque de l’année, des ventes de tout animal dans les animaleries, et au même motif.
La création d’une « haute autorité publique. »
Tant que des réglementations dites de protection animales tiendront compte, en priorité, du profit ou de la distraction des hommes, le sort des animaux ne changera pas. Seules de grandes réformes de fond, conçues sur des bases éthiques, et justifiées par les connaissances scientifiques, pourront modifier les conduites de l’homme envers l’animal. Le pouvoir politique n’en a pas encore manifesté l’intention réelle. Pourtant, reconnaître que l’animal a des “droits”, c’est finalement vouloir une Terre vivante et une humanité généreuse, ce dont l’homme profiterait, lui aussi.
La Fondation LFDA se consacre plus particulièrement aux trois domaines qui sont en France les plus générateurs de souffrances animales : l’élevage industriel (près d’un demi-milliard d’animaux), la chasse (de l’ordre de 40 millions d’animaux tués par an) et l’expérimentation (2.5 millions d’animaux par an). Elle promeut l’élevage biologique avec accès au plein air au lieu de la production animale industrielle et concentrationnaire, l’écotourisme avec observations organisées des animaux dans leur milieu naturel, les fermes pédagogiques, les expositions et spectacles vidéos numériques au lieu des zoos aquariums et delphinariums, les modes d’expérimentation scientifique internationalement validés évitant les tests toxicologiques, pharmaceutiques et les tests industriels réglementaires sur animaux vivants.
Remontant autant que possible aux causes initiales du malheur animal, la Fondation LFDA réclame la réforme du code civil et du code de l’environnement, qui doivent être adaptés à la nature d’être sensible des animaux par l’adoption d’un régime juridique nouveau.
Elle demande que la protection animale ne soit plus sous la dépendance de la production animale au ministère de l’agriculture, et que la préservation des espèces ne soit plus gérée par une sous-direction du ministère de l’écologie qui s’occupe de la chasse. Et pour cela elle réclame la création d’une « haute autorité publique », indépendante et couvrant tous les domaines d’utilisation des animaux, notamment par le contrôle de l’application de la réglementation ».