Interfel est l’interprofession des fruits et légumes frais. Depuis une vingtaine d’années, elle mène des actions d’information auprès du public, notamment auprès des enfants des écoles publiques. La qualité des diététiciens qui interviennent est appréciée. Le rôle d’Interfel paraît extrêmement important, lorsque l’on sait que seulement 6% des jeunes de 2 à 17 ans répondent aux recommandations de l’OMS de consommer au moins 5 fruits et légumes par jour.
Interfel estime qu’accroître la consommation des fruits et légumes frais est un enjeu de santé publique et une priorité. Elle bénéficie du soutien et des encouragements des pouvoirs publics, et notamment :
- Le renforcement, à la demande du président de République, des actions d’information à destination des jeunes et le soutien à la restauration collective ;
- la mise en place du programme de distribution « des fruits et légumes, lait dans les écoles », financé par l’Europe, soutenu par les ministères de l’Agriculture et de l’Éducation nationale ;
- la reconnaissance du caractère d’intérêt général de ses actions.
Parmi les actions dans les collèges et lycées, Interfel organise :
- Ateliers culinaires ;
- faire soi-même et déguster ensemble ;
- dégustations à découvrir : fruits exotiques, légumes anciens, légumes de tous les jours, cuisinés simplement et différemment ;
- conférence sur l’équilibre nutritionnel.
Désireuse d’améliorer et de faciliter ses interventions dans les classes des écoles publiques, Interfel a sollicité en 2016 l’obtention d’un « agrément » du ministère de l’Éducation nationale, afin de permettre officiellement à son réseau de diététiciens de poursuivre son action pédagogique. Le ministère a refusé de lui délivrer cet agrément.
Estimant cette décision incohérente, Interfel a donc fait appel de ce refus au début de 2018 devant le tribunal administratif de Paris, lequel a rendu son jugement le 28 mars. L’appel est rejeté et le refus du ministère de l’Éducation nationale est confirmé. Le tribunal considère que les interventions d’Interfel dans les écoles ne sont qu’accessoires par rapport à son objet, que cet objet est surtout de favoriser la consommation des légumes et des fruits, tout en reconnaissant que l’éducation alimentaire à l’école est inscrite dans le code de l’éducation (article L.312-17-3) ; en conséquence le tribunal a jugé que le rôle d’intérêt général d’Interfel n’est pas établi, ce qui motive le rejet de l’appel introduit par Interfel.
Interfel estime la décision incompréhensible. En effet, le tribunal semble incriminer, sans le nommer, un conflit d’intérêts dont, en quelque sorte, se rendraient coupables les producteurs membres d’Interfel, dont l’objet est d’assurer la promotion des produits et des métiers de la filière et de ses intérêts collectifs. Tout en considérant qu’Interfel conduit effectivement des actions d’information « auprès de l’ensemble des catégories de la population, dont les enfants », le tribunal conclut que, puisque les adhérents d’Interfel ont intérêt à ce que les enfants augmentent leur consommation de fruits et légumes frais, ces actions pédagogiques ne peuvent pas relever du « caractère d’intérêt général ». Et cela en négligeant que le programme « Des Fruits et légumes, lait à l’école » est financé par l’Europe, et qu’il a été élaboré en partenariat avec… l’Éducation nationale ! En somme, le rôle éducatif d’Interfel est reconnu, et soutenu financièrement, et le tribunal administratif l’empêche d’assumer ce rôle. Incohérence !
À propos d’incohérences, la LFDA se fait un devoir de rappeler que le ministère de l’Éducation nationale a signé en 2010 un partenariat avec la Fédération nationale des chasseurs, aux termes duquel les fédérations de chasse se sont vues confier l’éducation à la protection de la nature et à l’environnement, le ministre Luc Chatel ayant probablement considéré que la chasse est une activité « d’intérêt général ». La LFDA rappelle également le soutien inconditionnel apporté par un autre ministère (Agriculture) à l’élevage industriel, et à la consommation de viande, comme l’ont montré pendant longtemps les publications du CIV (Centre d’information des viandes) qui vivait notamment des subventions ministérielles, publications qui vantaient les avantages du régime carné, allant jusqu’à recommander, dans des opuscules spéciaux, la consommation de viande même rouge aux femmes enceintes, au mépris ou en méconnaissance des risques de contracter une toxoplasmose, et d’être ainsi la cause de malformations congénitales gravissimes. Cet autre ministère devait certainement estimer le rôle du CIV comme étant d’intérêt général puisque soutenant les industriels de la viande ; aujourd’hui, il s’inquiète sérieusement de la chute de 12% de la consommation de viande depuis 10 ans… Oserait-il un jour en accuser la consommation croissante de légumes et de fruits… Qui sait ?
La LFDA rappelle également qu’elle aussi a été victime d’un dictat du ministère de l’Éducation nationale. Notre organisation avait sollicité un agrément ministériel, justifié par nos actions autant en enseignement secondaire que supérieur. Notre demande a été qualifiée d’irrecevable et cet agrément nous a été refusé, non pas en contestant notre mission, mais au motif, tiré de derrière les fagots, que notre « association » était devenue « fondation » (courrier du 17 juillet 2008) ! Qui veut la fin, veut les moyens…
Article publié dans le numéro 99 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.