Des spectacles d’un autre temps ? Nombreux sont encore les spectateurs à admirer des dauphins dansant avec leur dresseur, des ours funambules, des éléphants en équilibre sur un ballon ou même un taureau « combattant » le matador. Mais quel est le prix payé par les animaux pour ces « distractions » ?
LES COULISSES DU SPECTACLE
« Dresser » l’animal
Le dressage ou « domptage » consiste à soumettre un animal sauvage à l’être humain pour lui faire réaliser des « tours ». Des scandales éclatent régulièrement sur les conditions brutales et coercitives de domptage d’animaux de cirque. Par exemple, l’usage de l’ankus (pique) pour le dressage des éléphants est particulièrement cruel. Il existe pourtant des méthodes d’apprentissage douces, impliquant des récompenses plutôt que des punitions, qui sont utilisées dans les zoos pour des spectacles ou des actes vétérinaires.
L’arrêté du 18 mars 2011 sur les animaux de spectacles itinérants dispose qu’« au cours du dressage, ne doivent être exigés des animaux que les actions, les performances et les mouvements que leur anatomie et leurs aptitudes naturelles leur permettent de réaliser et entrant dans le cadre des possibilités propres à leur espèce. À cet égard, il doit être tenu compte […] de la volonté à agir […] de chacun des animaux » (art.34).
Est-ce naturel pour un éléphant de s’asseoir sur un tabouret, pour un dauphin de s’échouer sur un bord de piscine, pour un dauphin de s’échouer sur un bord de piscine, pour un ours de faire du patin à roulettes ou pour un lion de sauter dans un cerceau de feu ? Ces comportements contre nature sont non seulement stressants pour les animaux, mais peuvent aussi les blesser gravement. Il est donc légitime de s’interroger sur leur « volonté à agir » dans de telles situations…
Des conditions de vie pénibles
Que ce soit en établissement fixe (zoo et delphinarium) ou itinérant (cirque), les animaux utilisés pour des spectacles sont très loin de connaître des conditions de vie conformes à leurs besoins, comme l’exigent les textes du droit français (code rural et arrêté du 18 mars 2011).
Dans les zoos et les delphinariums, les « enrichissements » sont nécessaires mais très insuffisants pour s’approcher des conditions de vie adéquates pour les oiseaux, félins, mammifères marins ou autres animaux donnés en spectacle. Les tigres et les orques, par exemple, parcourent à l’état sauvage des distances incompatibles avec la capacité. Ils développent de nombreux comportements stéréotypiques, voir d’automutilation, même si les entraînements peuvent, paradoxalement, les sortir de leur ennui quotidien.
La Fédération des vétérinaires d’Europe (FVE) a déclaré que les animaux sauvages en cirque itinérant, et particulièrement les mammifères, ne peuvent bénéficier d’un milieu de vie satisfaisant ni exprimer des comportements conformes à leurs besoins (2015), alors que les animaux « de cirque » ont les mêmes que leurs équivalents sauvages, y compris la possibilité de fuite, le développement de relations sociales adéquates, la défense d’un territoire, etc. L’arrêté du 18 mars 2011 prévoit un maximum de 7 m² pour un tigre ou un lion, 10 m² pour un éléphant… Ce sont des exigences très insuffisantes et fréquemment non respectées, selon les enquêtes menées par les ONG.
UNE CRUAUTÉ LÉGALISÉE : CORRIDA ET COMBATS DE COQS
Le code pénal (art. 521-1) punit les sévices graves et les actes de cruauté envers l’animal, à l’exception de la corrida et des combats de coqs, lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Cette dérogation prouve que la nature cruelle de ces spectacles est juridiquement reconnue mais tolérée. En 2016, le Conseil de l’Ordre des vétérinaires a jugé la corrida non compatible avec le respect du bien-être animal.
La corrida
La tauromachie met en scène la mise à mort d’un taureau. D’abord, la pointe de lances de bois lui est enfoncée entre le cou et les omoplates, suivies de 6 banderilles portant un harpon ; enfin, le matador (« tueur », en espagnol), après avoir épuisé l’animal pendant une quinzaine de minutes avec sa muleta (cape rouge), lui enfonce une épée dans la cage thoracique pour trancher les gros vaisseaux cardiaques. S’il rate le coup, il fait tomber l’animal en le piquant dans la nuque au moyen de son descabello (épée). L’animal est finalement achevé d’un coup de puntilla (poignard) derrière le crâne, ce qui paralysé en tranchant la moelle épinière – sans forcément le tuer. Parfois le matador lui coupe la queue et les oreilles comme trophées avant même la mort du taureau.
La corrida ne doit pas être confondue avec les courses camarguaises ou landaises, qui n’ont pas pour finalité de blesser ni de tuer.
Les combats de coqs
Les coqs, armés de lames plus ou moins aiguisées fixés au moignon de leurs ergots préalablement coupés, s’affrontent dans des gallodromes, dans le Nord, le Pas-de-Calais et les Dom-Tom. Un combat peut durer jusqu’à 15mn et ne s’arrête que lorsqu’un coq reste à terre plus de 3mn. Certains concours font s’affronter par paire près de 200 coqs, jusqu’à ce qu’un seul reste vivant. Ils font régulièrement l’objet de paris (interdits) pour des sommes importantes.
DES DISTRACTIONS SOURCES DE SOUFFRANCE
Remettre en question l’utilisation de l’animal pour le divertissement
Une prise de conscience doit s’opérer, y compris dans d’autres secteurs où la violence envers l’animal n’est pas aussi évidente. Les courses de chevaux et de lévriers, les spectacles de dressage équestre, le tourisme en calèche surchargée, à dos d’âne, à dos de dromadaire ou d’éléphant sont autant de « distractions » dont les animaux souffrent.
À retenir
Les animaux ne sont pas les acteurs volontaires des spectacles où ils se « produisent ». L’être humain ne peut les asservir, ridiculiser, blesser ou même mettre à mort pour son seul divertissement.
« Il y a peu, voir aucun bénéfice éducatif, économique, pour la conservation ou pour la recherche, qui découle de l’utilisation de mammifères sauvages dans les cirques itinérants pouvant justifier leur utilisation »
Fédération des vétérinaires d’Europe, 2015