Tribune : JO 2024 : « Pour que les Jeux olympiques de Paris soient ceux du bien-être des chevaux »

Aux côtés de 37 vétérinaires, experts et ONG de protection des animaux, la LFDA a cosigné cette tribune dans Le Parisien du 11 février 2024. À l’approche des JO 2024, nous appelons à faire progresser le bien-être, la prise en compte de la douleur et les besoins des chevaux dans le sport de haut niveau.

© Icon Sport/Pierre Costabadie


« Les JO de Paris en 2024 sont une opportunité unique, exceptionnelle, pour mettre en avant et de façon pérenne le bien-être des athlètes équins, appartenant à la seule espèce animale en compétition aux JO.

À l’heure où le bien-être animal a été élevé au rang de préoccupation sociétale, politique, s’inscrivant en sujet médiatique, et à l’approche d’une nouvelle édition de la plus grande manifestation sportive de la planète, prendre véritablement en compte le bien-être des chevaux est indispensable si l’on veut que les épreuves équestres aux Jeux olympiques perdurent.

Ne percevoir le cheval que comme un instrument de la performance au service de son cavalier ou sa cavalière et du pays qu’il représente en oubliant l’être sensible qu’il représente est une vision du passé et doit évoluer à la lumière des publications scientifiques sur les émotions animales, leur perception de la douleur et leur sensibilité au stress. Ces notions doivent servir de base à la mise en place de pratiques appropriées. Les JO de Paris, vitrine du sport olympique, offrent à la France d’initier une nouvelle relation avec les athlètes équins, dont la portée sera internationale et devra s’étendre à la filière sportive équine.

Certaines pratiques irrespectueuses de l’animal font partie du parcours de formation du cheval-athlète destiné à la compétition. Dans de nombreuses disciplines équestres, ces pratiques se déroulent lors des entraînements, par l’emploi d’équipements contraignants tels que des guêtres postérieures inconfortables, des éperons démesurés, des muserolles serrées, des enrênements assujettissants, des mors coercitifs.

Certaines pratiques elles-mêmes sont tout aussi répréhensibles, comme les actions de mains violentes, l’utilisation abusive de la cravache ou des éperons, l’hyperflexion prolongée de l’encolure potentiellement délétère au plan physique et avilissante au plan psychologique…

Bien sûr, ces pratiques sont l’œuvre d’une minorité et tous les cavaliers ne sont pas à blâmer, mais il suffit de quelques-uns pour que l’image des sports équestres soit détériorée et que ces derniers soient en danger de disparition. De leur côté, les instances équestres prennent des mesures d’encadrement notamment par des chartes dédiées au bien-être du cheval dont les intentions sont certes louables… mais jamais contraignantes.

Alors que la France s’apprête à devenir, en juillet prochain, le centre de l’attention de centaines de millions de personnes à travers le monde, notre pays doit montrer l’exemple et acter de nouvelles avancées sur la considération de l’animal dans notre société. La France pourrait prendre les devants et promouvoir la lutte contre les maltraitances équines à travers une régulation contraignante des équipements (mors, éperons, guêtres…) et des pratiques équestres lors de l’entraînement, de l’échauffement et de la compétition des chevaux.

À l’approche des JO de Paris, qui verront se dérouler les épreuves d’équitation sur le merveilleux site du château de Versailles, rêver d’un monde meilleur pour l’animal qui incarne une réussite majeure de la domestication et instaurer un cadre éthique pour que le bien-être équin soit respecté passe par l’application de 46 recommandations qui ont fait l’objet d’un rapport parlementaire récent, et applicables également à l’ensemble des deux compétitions équestres au-delà des Jeux olympiques. Ces recommandations ont été relues par des experts, des vétérinaires et toutes les organisations auditionnées.

En voici quelques exemples :

  • faire un suivi longitudinal des chevaux en préparation pour les Jeux olympiques et prévoir des prélèvements antidopage entre un mois et quinze jours avant la visite vétérinaire en amont des épreuves ;
  • sur tous les sites d’entraînement et d’épreuves, mettre en place un « welfare committee », comité d’éthique composé d’experts indépendants qui pourront se déplacer librement sur tout le site olympique des épreuves d’équitation dans le cadre d’une mission spéciale « bien-être équin aux Jeux olympiques » ;
  • développer la vidéosurveillance sur la totalité du site qui sera mise à disposition du « welfare committee » ;
  • limiter strictement l’utilisation de la cravache sous peine de sanction, voire de disqualification. La vidéosurveillance pourra être sollicitée au besoin comme moyen de preuve ;
  • filmer les épreuves pour analyse différée et prise de sanction éventuelle ;
  • vérifier systématiquement la conformité des aides artificielles du cavalier (éperons, cravache), du harnachement et des protections du cheval, comme cela est prévu au règlement ;
  • réglementer ces aides : éperons mousses de longueur inférieure à 2 cm, interdiction des guêtres postérieures, autoriser les protèges-boulets légers et non serrés ;
  • recueillir l’avis du « wellfare committee » en cas de saignement sur un cheval pour arrêter la poursuite d’une épreuve ;
  • interdire la flexion de l’encolure plaçant le chanfrein en arrière de la verticale dans toute l’enceinte olympique (« hyperflexion ») et appliquer des sanctions à effet immédiat pour l’ensemble des disciplines équestres ;
  • équiper le parcours de cross avec 100 % d’obstacles prévus pour céder en cas de chute ou d’accroche forte du cheval.

C’est au comité d’organisation des Jeux olympiques de Paris 2024 et à lui seul, à la suite de l’audition de différentes organisations, de décider du devenir de ces recommandations. Il en va de la durabilité des sports équestres, de la tradition française qui les accompagne et, au final, de la survie du cheval, auxiliaire de l’homme depuis 2 200 ans, merveilleux animal qui a, tour à tour, permis à l’homme de se déplacer, de partager son destin lors des guerres, d’assurer l’essor de l’agriculture et qui est aujourd’hui le protagoniste principal de disciplines sportives appréciées à travers le monde.

Rendons-lui, en échange de sa générosité et de sa confiance en nous, la considération et le respect qu’il mérite. »

LISTE DES SIGNATAIRES

Dr Loïc Dombreval, vétérinaire, président du CNPA (Conseil national de la protection animale)
Dr Thierry Bedossa, vétérinaire, président d’Agir pour la vie animale (AVA)
Dr Thomas Bertholdy, vétérinaire équin
Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO
Dr Vincent Boureau, vétérinaire, vice-président de l’Association des vétérinaires équins Français (AVEF) fondateur d’Equi-Ethic, think-tank dédié au bien-être des équidés
Pr W. Robert Cook, Emeritus Professor, Cummings School of Veterinary Medicine, Tufts University, Boston
Marie-Bénédicte Desvallon, avocate et solicitor of England & Wales, directrice de session « l’animal et le droit » à l’École nationale de la magistrature
Pr Nathalie Crevier-Denoix, professeure à l’École nationale vétérinaire d’Alfort, directrice de l’unité associée à l’INRAe « Biomécanique et pathologie locomotrice du cheval »
Shelby Dennis, Founder of Milestone Equestrian, Certified Equine Behavior Consultant
Pr Jean-Marie Denoix, professeur émérite de l’École nationale vétérinaire d’Alfort, fondateur de l’International Society of Equine Locomotor Pathology
Alice Di Concetto, juriste en droit de l’animal, The European Institute for Animal Law & Policy
Patrick Galloux, écuyer professeur et ancien membre du Cadre noir et de l’équipe de France d’équitation Dr Jacques Guérin, vétérinaire, président du Conseil national de l’ordre des vétérinaires
Martine Hausberger, directrice de recherches au CNRS
Caroline Hegarty, Founder of Equitopia and Founding Member of the Alliance for Horse Welfare in Sport
Dr Christophe Hugnet, vétérinaire, président de la Compagnie nationale des vétérinaires experts de justice
Maud Lafon, vétérinaire, secrétaire générale d’Agir pour la vie animale
Stéphane Lamart, président de l’association Stéphane Lamart
Frédéric Lenoir, Philosophe et écrivain
Pr Paul McGreevy, Sydney School of Veterinary Science, University of Sydney 4
Dr Laurent Mangold, vétérinaire équin, vice-président de l’Association des vétérinaires équins français (AVEF)
Christophe Marie, directeur adjoint de la Fondation Brigitte Bardot
Dr Emma Milne, vétérinaire, fellow of the Royal College of Veterinary Surgeons
Pr Luc Mounier, vétérinaire, professeur titulaire de la chaire de bien-être animal, VetagroSup
Dr Jacques Nardin, vétérinaire
Dr Alina Palichleb, vétérinaire, director of Eastern European Equine Practitioners’Congress
Dr Sarah Pradeaud, vétérinaire, responsable du réseau CAP douleur Équin
Katia Renard, rédactrice en chef de « 30 Millions d’amis »
Mathieu Ricard, philosophe et écrivain
Louis Schweitzer, président de la LFDA, Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences
Véronique de Saint Vaultry, artiste et écrivaine équestre
Henri-Jean Servat, journaliste et écrivain, conseiller municipal de Nice
Dr Eva Van Avermaet, vétérinaire, fondatrice du Collectif pour les chevaux
Albert Voorn, médaillé olympique du concours de saut d’obstacles, JO de Sydney 2000
Corinne Vignon, députée, présidente du groupe d’étude « condition et bien-être des animaux »
Cristina Wilkins, editor, Horses and People
Ghislain Zuccolo, directeur général de Welfarm
Jean-Marc Zulesi, député, président de la commission du Développement Durable et de l’Aménagement du territoire

ACTUALITÉS