Le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, M. Pierre Paradis, a présenté à l’Assemblée nationale le 5 juin dernier le projet de loi no 54 visant l’amélioration de la situation juridique de l’animal.
Ce projet de loi a pour objet d’endiguer les comportements inacceptables en modifiant le Code civil du Québec afin que les animaux ne soient plus considérés juridiquement comme des biens « meubles ». Actuellement, le code prévoit que «sont meubles les choses qui peuvent se transporter, soit qu’elles se meuvent elles-mêmes, soit qu’il faille une force étrangère pour les déplacer» (art. 905). Après l’adoption du projet de loi, l’article suivant sera ajouté au chapitre De la distinction des biens: «Les animaux ne sont pas des biens. Ils sont des êtres doués de sensibilité et ils ont des impératifs biologiques. Outre les dispositions des lois particulières qui les protègent, les dispositions du présent code relatives aux biens leur sont néanmoins applicables» (art. 898.1).
Au moment de sa conférence de presse, le ministre Paradis a déclaré:
En 2014, l’Animal Legal Defense Fund a établi que le Québec demeurait, pour une troisième année consécutive, la « meilleure province pour maltraiter un animal », une situation tout à fait intolérable. Par le dépôt de ce projet de loi, je confirme la volonté du gouvernement de réprimer la négligence et la cruauté envers les animaux. La définition de la situation juridique de l’animal découle des meilleures législations européennes. Quant aux comportements inacceptables, nous nous sommes inspirés des lois en vigueur dans les trois provinces canadiennes occupant la tête du classement de l’Animal Legal Defense Fund, soit le Manitoba, l’Ontario et la Colombie-Britannique.
Mme Stéphanie Vallée, ministre de la Justice, croit quant à elle que «le Code civil du Québec se doit de refléter les valeurs de notre société. Le projet de loi s’inscrit donc dans une évolution législative positive qui témoigne des avancements de notre société».
Outre la reconnaissance juridique de la sensibilité de l’animal, les grandes avancées qu’apportera l’adoption de ce projet de loi sont, notamment:
– La nécessité de respecter les impératifs biologiques d’un animal, incluant son besoin de se mouvoir suffisamment;
– L’interdiction de causer de la détresse à un animal;
– L’interdiction de dresser un animal ou d’avoir en sa possession des équipements ou des structures utilisés pour le combat entre animaux;
– L’interdiction d’abandonner un animal;
– L’obligation pour un médecin vétérinaire de dénoncer toute maltraitance présumée d’un animal;
– L’octroi d’une immunité de poursuite à toute personne qui rapporte des cas d’abus ou de mauvais traitements envers un animal;
– La possibilité de rendre obligatoire l’application de dispositions des codes de pratiques utilisés en matière d’élevage; et
– L’augmentation des amendes jusqu’à un maximum de 250 000$ pour une première offense et l’imposition d’une peine d’emprisonnement d’un maximum de 18 mois.
Le projet de loi visant l’amélioration de la situation juridique de l’animal, fera l’objet de consultations en commission parlementaire à l’automne 2015. Pour de plus amples informations sur ce projet de loi, il est possible de consulter les renseignements mis à la disposition du public ici.
Nous nous réjouissons de l’ouverture du ministre Paradis face aux revendications pour un statut juridique approprié de l’animal. Au cours des dernières années, la population québécoise avait eu droit à des discours politiques pleins de promesses quant à la sensibilisation des élus sur la dure réalité de la vie animale. Avec le projet de loi visant l’amélioration de la situation juridique de l’animal, le ministre Paradis donne foi au proverbe de Gustave le Bon, pour qui «les volontés précaires se traduisent par des discours, les volontés fortes par des actes» *. Le gouvernement du Québec emboîte ainsi le pas de la France et passe enfin de la parole aux actes…
* Gustave le Bon, Hier et demain. Pensées brèves, Paris, Flammarion, 1918 (édition électronique), p. 76.
Martine Lachance
Directrice du Groupe de recherche international en droit animal (GRIDA)