Cette année 2016 est l’occasion de célébrer plusieurs anniversaires de textes liés à l’animal. Nous fêterons cette année : en France, les 40 ans de la loi du 10 juillet 1976 qui, pour la première fois dans les textes français, reconnaît le devoir de l’homme de respecter la nature sensible de l’animal et ses besoins spécifiques et les 30 ans de la loi dite « Littoral »; et si l’on regarde à l’étranger : les 140 ans du Cruelty to Animals Act of 1876 (Grande-Bretagne) ; les 50 ans de l’Animal Welfare Act of 1966 (États-Unis) et plus récemment les 10 ans de l’Animal Welfare Act de 2006 (Grande-Bretagne). Autant de raisons de se réjouir. Plusieurs membres de la LFDA se sont penchés sur ces textes qui fêtent cette année une ou plusieurs décennies. On lira ci-dessous les analyses qu’ils en ont faites.
Nous concluons cette série de célébrations par un retour sur l’une des premières lois au monde qui ait réglementé l’utilisation d’animaux vivants dans le cadre de la recherche scientifique à des fins médicales, le Cruelty to Animals Act, (loi sur la cruauté envers les animaux), qui a été adopté par le Parlement du Royaume-Uni le 15 août 1876.
Le Cruelty to Animals Act (1), novateur et audacieux pour l’époque, interdit les expériences douloureuses sur les animaux vertébrés, notamment à des fins de démonstration en public et d’apprentissage d’une « habileté manuelle » par les étudiants (Article 6). Des dérogations figurent néanmoins, surtout si les expérimentations ont pour vocation d’acquérir de nouvelles connaissances physiologiques dont le but est de soulager la souffrance ou de prolonger et sauver des vies humaines. Ces expérimentations, sources de douleur pour l’animal, sont cependant strictement encadrées.
Elles doivent avoir lieu dans des locaux habilités et inspectés. Elles peuvent être réalisées uniquement par des scientifiques titulaires d’une licence remise par un secrétaire d’État, après justification de la nécessité de l’expérimentation et soutien de la candidature par au moins l’un des présidents de l’un des onze corps médicaux ou scientifiques du Royaume-Uni (Article 11). L’animal doit également être sous anesthésie tout au long de l’expérience et euthanasié si la douleur risque de persister après estompement de l’anesthésie.
Cette loi est le résultat d’un long combat entre acteurs du monde de la recherche médicale et militants anti-vivisection. Les questions éthiques, politiques, scientifiques et juridiques que pose l’utilisation d’animaux vivants dans le cadre des découvertes scientifiques débouchent sur un débat public dont l’objectif est de mesurer la légitimité et la nécessité de la vivisection (2). Les chiens et les chats, peuvent-ils être utilisés au nom de la nécessité des découvertes médicales?
Les expériences sous anesthésie sont-elles cruelles? La physiologie est-elle une discipline légitime permettant d’importantes avancées médicales? L’enseignement médical doit-il se passer de modèles animaux? Même si les physiologistes d’une part et les défenseurs de la cause animale d’autre part n’arrivent pas à s’entendre, l’ensemble des débats montre l’importance d’encadrer légalement les pratiques.
En mai 1875, deux projets de loi sont présentés, le premier à la Chambre des Lords (loi Henniker) et le second à la Chambre des communes (loi Playfair). Une Commission royale d’enquête est alors mise en place et ses résultats déboucheront sur l’adoption du Cruelty to Animals Act. Avant-gardiste dans la mesure où cette loi apparaît 92 ans avant le premier décret encadrant l’expérimentation animale en France (3), les sanctions encourues en cas de non-respect des dispositions du Cruelty to Animals Act semblent cependant légères.
En effet, l’amende en cas de première infraction n’est que de 50 livres et en cas de récidive, la peine maximale encourue ne dépasse pas « une centaine de livres ou d’un emprisonnement pour une période ne dépassant pas trois mois » (Article 6). Même s’il est incontestable que le Royaume-Uni, comme souvent dans l’histoire de la protection animale, est pionnier autour de ces questions, l’on peut tout de même, aux vues des sanctions encourues, s’interroger sur l’effet dissuasif de cette loi, qui fête cette année ses 140 ans.
Florian Sigronde
- http://www.irishstatutebook.ie/eli/1876/act/77/enacted/en/print.html
- http://www.branchcollective.org/?ps_articles=susanhamilton-on-the-cruelty-to-animals-act-15-august-1876
- Décret n° 68-139 du 9 février 1968 réglementant les expériences ou recherches scientifiques ou expérimentales sur les animaux – ministère de la Justice.
Article publié dans le numéro 88 de la revue Droit Animal, Ethique et Sciences.