Les 30 ans de la loi « Littoral »

Cette année 2016 est l’occasion de célébrer plusieurs anniversaires de textes liés à l’animal. Nous fêterons cette année : en France, les 40 ans de la loi du 10 juillet 1976 qui, pour la première fois dans les textes français, reconnaît le devoir de l’homme de respecter la nature sensible de l’animal et ses besoins spécifiques et les 30 ans de la loi dite « Littoral »; et si l’on regarde à l’étranger : les 140 ans du Cruelty to Animals Act of 1876 (Grande-Bretagne) ; les 50 ans de l’Animal Welfare Act of 1966 (États-Unis) et plus récemment les 10 ans de l’Animal Welfare Act de 2006 (Grande-Bretagne). Autant de raisons de se réjouir. Plusieurs membres de la LFDA se sont penchés sur ces textes qui fêtent cette année une ou plusieurs décennies. On lira ci-dessous les analyses qu’ils en ont faites.

La loi dite « Littoral » (loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral) est entrée en vigueur le 3 janvier 1986 après son adoption à l’unanimité par le Parlement1.

Comme son nom l’indique, elle a pour but de protéger le littoral français ainsi que les rivages des grands lacs en limitant, entre autres, le bétonnage lié aux grands projets immobiliers. Cette loi s’applique à plus de 1200 communes françaises sur un périmètre dépassant les 7000 km. Dans son article 1, aujourd’hui codifié dans le code de l’environnement (art. L.321-1), les objectifs de la politique de protection et d’aménagement du littoral sont exposés. Un de ses buts est: « [l]a protection des équilibres biologiques et écologiques, la lutte contre l’érosion, la préservation des sites et paysages et du patrimoine » (point 2° du II).

La liste des « espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques » à préserver est fixée2. On y trouve par exemple, « en fonction de l’intérêt écologique qu’ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières, les îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l’avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages et, dans les départements d’outre-mer, les récifs coralliens, les lagons et les mangroves»3.

En particulier sont protégés « les milieux abritant des concentrations naturelles d’espèces animales ou végétales telles que les herbiers, les frayères, les nourriceries et les gisements naturels de coquillages vivants, les espaces délimités pour conserver les espèces en application de l’article 4 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 et les zones de repos, de nidification et de gagnage de l’avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages ».

Par ricochet, cette loi de protection de l’environnement permet donc, en préservant une nature fragilisée par l’urbanisation galopante, de protéger nombre d’espèces animales. Toutefois, notons que dans ces zones à préserver, « des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu’ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public » (art. L.146-6 du code de l’urbanisme).

Le décret R.146-2 décrit les aménagements « légers » qui peuvent y être implantés, après enquête publique4, « à condition que leur localisation et leur aspect ne dénaturent pas le caractère des sites, ne compromettent pas leur qualité architecturale et paysagère et ne portent pas atteinte à la préservation des milieux » (cheminements piétonniers, aires de stationnement prévenant le stationnement irrégulier, et certains aménagements agricoles, piscicoles etc. s’ils sont sur une surface limitée et/ou s’ils sont liés à des activités traditionnelles – élevage de moutons de prés salés notamment).

Certains aménagements doivent « permettre un retour du site à l’état naturel ». Outre la loi « Littoral », qui soustrait une partie de nos côtes à l’urbanisation, d’autres dispositions protectrices existent. Si, selon une étude publiée en 2012, 75 % du littoral est non artificialisé, c’est-à-dire non retiré de son état naturel, seulement 15 % des bandes côtières de 250 m bénéficient d’une protection élevée: protection réglementaire (réserves naturelles, arrêtés préfectoraux de protection de biotope) ou foncière (Conservatoire du littoral).

Les protections contractuelles (réseau Natura 2000), les sites d’intérêt communautaires, les zones spéciales de conservation (directive « Habitats ») et les zones de protection spéciales (directive « Oiseaux ») permettent tout de même une couverture de près de la moitié des rivages5. Néanmoins, la protection n’est pas toujours très contraignante et l’étude estime à deux tiers le périmètre non artificialisé qui ne bénéficie pas d’un haut niveau de protection.

Les pressions économiques et les tentatives d’affaiblissement de la loi présentent une menace à ne pas négliger (se rappeler l’affaire des paillotes en 20006) : la loi mériterait d’être confortée pour renforcer plus avant la protection de notre littoral, menacé par ailleurs par la montée du niveau de la mer et l’inconstance climatique qui semble se confirmer d’année en année. Espérons que la COP 21 sur le Climat qui s’est déroulée début décembre à Paris tiendra ses promesses pour limiter notre implication dans le changement climatique.

Sophie Hild


  1. Loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, version en vigueur
  2. Décret d’application R.146-1 de l’article L.146-6 du code de l’urbanisme. 
  3. Article L.146-6 du code de l’urbanisme.
  4.  Dans les cas prévus par les articles R.123-1 à R.12333 du code de l’environnement. 
  5. Commissariat général au développement durable. Le Point sur, n° 153, décembre 2012: «Trois quarts des rivages métropolitains sont non artificialisés mais une part importante est menacée et peu protégée » (disponible sur le site de l’Observatoire national de la mer et du littoral).
  6. Lire le communiqué de presse de France Nature Environnement du 4 janvier 2016 « Une loi plébiscitée par 90 % des Français ». Lecture conseillée pour creuser l’étude de cette loi: « La loi LITTORAL & ses modalités particulières d’application en urbanisme » par Isabelle Dunod sur www.wikiterritorial.cnfpt.fr.

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