Les 40 ans de la loi de protection de la nature du 10 juillet 1976

Cette année 2016 est l’occasion de célébrer plusieurs anniversaires de textes liés à l’animal. Nous fêterons cette année : en France, les 40 ans de la loi du 10 juillet 1976 qui, pour la première fois dans les textes français, reconnaît le devoir de l’homme de respecter la nature sensible de l’animal et ses besoins spécifiques et les 30 ans de la loi dite « Littoral »; et si l’on regarde à l’étranger : les 140 ans du Cruelty to Animals Act of 1876 (Grande-Bretagne) ; les 50 ans de l’Animal Welfare Act of 1966 (États-Unis) et plus récemment les 10 ans de l’Animal Welfare Act de 2006 (Grande-Bretagne). Autant de raisons de se réjouir. Plusieurs membres de la LFDA se sont penchés sur ces textes qui fêtent cette année une ou plusieurs décennies. On lira ci-dessous les analyses qu’ils en ont faites.

Retour sur les débats parlementaires relatifs à la protection individuelle de l’animal approprié

«Nous pourrons être fiers de ce vote, car il signifiera que, tout en admirant les réalisations parfois extraordinaires de l’intelligence humaine, nous donnons la priorité à la conservation de la nature, c’est-à-dire au monde prodigieux des plantes et des animaux. » M. Roland Boudet (1).

1. La genèse de la loi du 10 juillet 1976

Le projet de loi de protection de la nature adopté le 10 juillet 1976 a connu une gestation de trois ans. Initialement prévu par M. le ministre Robert Poujade, le projet sera élaboré par ses successeurs MM. Alain Peyrefitte, Paul Dijoud et André Jarrot, avant d’être défendu devant les parlementaires par le ministre de la Qualité de la vie en exercice, M. André Fosset. Il s’agissait d’une promesse électorale de la campagne de mai 1974.

Ce texte proposait de modifier considérablement le droit applicable à l’environnement, à la chasse et à la détention d’un animal, dans un sens portant atteinte à de nombreux intérêts économiques et personnels des citoyens français. Sans surprise, ce texte novateur a rencontré de grandes difficultés avant d’être débattu devant le Parlement, M. le sénateur Bonnefous s’est d’ailleurs exprimé dans les termes suivants: « Je ne crois pas trahir un secret en disant qu’avant d’arriver devant nous, il a dû franchir de nombreux obstacles administratifs, et que, dans certains services, on ne souhaitait pas le voir aboutir » (2).

Cette réticence administrative contraste avec l’accueil chaleureux que lui ont réservé l’Assemblée nationale et le Sénat. La lecture des débats parlementaires de la loi de 1976 surprendra certainement ceux qui ont suivi de près les débats de la loi du 16 février 2015 (3) et du projet de loi sur la biodiversité: en 1976, ce texte difficile a été discuté avec une étonnante fluidité, et dans ce que M. le sénateur Pierre Croze a qualifié de «magnifique esprit de collaboration» (4).

La loi du 10 juillet 1976 est perçue par de nombreux auteurs comme l’acte de naissance du droit de l’environnement. Pour la première fois, celui-ci est appréhendé de manière globale comme en témoigne M. le député Roland Nungesser, rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale: « Jusqu’à présent, s’agissant de la flore et de la faune, la législation française s’est faite au coup par coup, sporadiquement, sans plan d’ensemble […] un texte global était nécessaire» (5).

Il s’agit également de la naissance d’un droit protégeant l’animal approprié, dont la loi dite Grammont du 2 juillet 1850 avait constitué les balbutiements. Initialement, le projet de loi de protection de la nature ne comprenait pas de volet relatif à la protection individuelle de l’animal. Le Gouvernement avait envisagé la rédaction d’un texte distinct afin de traiter cette question. Ainsi, le projet de loi présenté par le Gouvernement traitait uniquement des espèces animales dont le patrimoine biologique justifiait la conservation, et organisait leur protection collective.

La commission de la production et des échanges de l’Assemblée nationale, présidée par M. le député Nungesser a proposé d’inclure les dispositions protectrices des animaux appropriés dans le projet de loi. Cette démarche a reçu l’assentiment du Gouvernement qui a déclaré au sujet de ce régime protecteur que « son insertion dans ce texte est le moyen de parvenir rapidement à la solution de ce problème délicat » avant de prier les sénateurs d’intégrer le dispositif dans le projet de loi (6).

Contrairement aux débats parlementaires de 2015 concernant la reconnaissance de la sensibilité de l’animal dans le code civil, les débats de 1976 relatifs à la sensibilité de l’animal et à sa protection ont été particulièrement consensuels. Lors de la navette parlementaire, les sénateurs, considérant également que l’animal possède une « nature sensible », n’ont apporté que des modifications mineures à ce chapitre qui leur « a paru très complet et satisfaisant » (7).

Les débats parlementaires ont abouti à la rédaction d’un Chapitre II intitulé « De la protection animale » qui constituait alors selon le gouvernement « la première charte de l’animal de compagnie dans notre pays » (8).À l’occasion des débats parlementaires, l’action remarquable de M. le rapporteur Nungesser doit être soulignée: il a orienté le travail du Gouvernement et des parlementaires dans un sens favorable à l’animal.

Les interventions de nombreux parlementaires tels que Mme le député Thome-Patenôtre et M. le député Boudet ont également joué un rôle clé dans l’inclusion d’un volet conséquent relatif à la protection de l’animal de compagnie. Les dispositions insérées dans le code rural et le code pénal remplissent plusieurs fonctions: elles donnent une base et un cadre légal à l’action de l’administration, elles sont une aide précieuse pour les tribunaux lors de leur mission d’appréciation des faits, et encadrent l’action des associations auxquelles la loi permet d’exercer les droits de la partie civile.

2. La protection de l’animal sauvage approprié dans le code rural est organisée

Avant la loi de 1976, seul l’animal domestique, tels les vaches ou les chiens, bénéficiait d’une protection légale minimale contre les « mauvais traitements », les dispositions concernées figuraient à l’époque dans le titre V du livre II du code rural. L’article 12 de la loi du 10 juillet 1976 a modifié les dispositions de ce code afin d’étendre explicitement cette protection « aux animaux sauvages apprivoisés ou détenus en captivité ».

M. Le sénateur Pierre Vallon, rapporteur du projet de loi a expliqué la raison d’être de la protection de l’animal sauvage approprié proposée par M. le député Nungesser: «Ce chapitreI bis envisage pour la première fois les problèmes soulevés par le nombre croissant d’animaux sauvages importés dans notre pays, qu’ils soient apprivoisés ou tenus en captivité. Les protections au titre V du livre II du code rural leur sont étendues, ce qui constitue le premier pas vers une réglementation plus stricte d’un trafic certes lucratif mais dont les pratiques conduisent parfois à des abus manifestes » (9).

En revanche, l’animal sauvage vivant dans la nature, qui n’est pas approprié par l’homme, est exclu de ce régime protecteur. Mais un passage des débats parlementaires montre que l’animal sauvage (non apprivoisé) est passé à côté de la protection individuelle à une virgule près. En effet, ainsi que Jean-Claude Nouët l’a analysé, la proposition «Tout animal étant un être sensible », grammaticalement équivalente à la proposition « Tout animal qui est un être sensible », sous-entend la possibilité pour tel autre animal de ne pas être qualifié d’être sensible; elle établit ainsi implicitement une distinction entre un animal être sensible et un animal qui ne l’est pas.

Cela ne serait pas, si le texte était écrit « Tout animal , étant un être sensible , doit être placé… ». Incluse ainsi entre deux virgules, la proposition relierait alors l’animal quel qu’il soit, sans distinction aucune, à la qualification d’être sensible, signifiant donc que l’état d’être sensible concerne tous les animaux. L’article du projet de loi relatif à la sensibilité de l’animal, qui mentionne explicitement le propriétaire de cet animal être sensible, exclut l’animal sauvage de son régime de protection individuelle.

Cependant l’intitulé du titre dans lequel devait être inséré cet article suggérait le contraire, une contradiction qui aurait pu être utilisée ultérieurement afin de permettre la protection individuelle de l’animal sauvage contre les mauvais traitements: le titre V du livre II du code rural devait initialement être intitulé « De la protection des animaux domestiques et des animaux sauvages, apprivoisés ou tenus en captivité ». Cette rédaction ambiguë laissait entendre que l’animal sauvage non apprivoisé ou tenu en captivité pouvait être protégé en tant qu’être sensible. M. le député Roland Nungesser, rapporteur de la commission est convenu, au moment de défendre son amendement visant à protéger l’animal sauvage approprié, « qu’il conviendrait de supprimer la virgule après le mot « sauvages ».

L’amendement ainsi rectifié devrait recevoir l’accord du Gouvernement » (10). Sortie du contexte global des débats parlementaires, cette intervention pourrait être vivement critiquée par les défenseurs des animaux. M. Nungesser a été l’artisan de la protection de l’animal approprié dans le cadre de la loi de 1976, et son souhait de limiter clairement le régime protecteur à l’animal domestique semble davantage relever d’une stratégie politique permettant de ne pas créer une levée de boucliers parmi les chasseurs qui aurait agité les débats jusqu’alors paisibles. L’animal sauvage faisait également partie des préoccupations du rapporteur qui déplorait que seuls les animaux jugés dignes d’intérêt par les chasseurs fassent l’objet d’une réglementation« puisqu’il n’y a pas de chasse ouverte des papillons, ils sont exclus des préoccupations des chasseurs et des dispositions réglementaires concernant la chasse. Il en est d’ailleurs de même pour les reptiles et pour l’ensemble des invertébrés » (11).

Ses préoccupations avant-gardistes, qui englobent le bien-être des invertébrés non appropriés, n’ont rien à envier à au régime actuel de protection de l’animal qui exclut encore de trop nombreux animaux. Il avait cependant conscience qu’en politique le mieux est parfois l’ennemi du bien et que le retrait de cette virgule permettrait certainement à son amendement et au reste du régime de protection des animaux domestiques d’être acceptés par le gouvernement et votés par les parlementaires.

3. L’animal « être sensible » est distingué de l’objet dans le code rural

M. Nungesser, a insisté pour que les principes de la « charte de l’animal », un texte préparé par le groupe parlementaire de l’Assemblée nationale sur la protection des animaux, soient repris sous forme d’amendements par le projet de loi. De nombreuses dispositions de la charte n’ont pas été insérées mais le principe selon lequel l’animal est un être sensible a trouvé sa place à l’article 9 de la loi du 10 juillet 1976, et a été codifié à l’article L. 214-1 du code rural.

Celui-ci dispose que: «Tout animal étant un être sensible doit être placé dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. » La volonté du législateur et du Gouvernement de distinguer l’animal de l’objet a déjà 40 ans. Concernant l’affirmation du caractère sensible de l’animal, M. Nungesser a expliqué son choix dans les termes suivants: « Parmi les principes généraux, je veux souligner celui qui affirme que l’animal est un être sensible. Cela pourrait sembler évident. Pourtant, cela ne l’était pas aux termes de notre législation et de notre réglementation, dont il faut bien dire qu’elles considéraient l’animal plutôt comme un objet » (12).

La distinction de l’animal et de la chose a reçu un soutien sans faille au Sénat. Après s’être insurgé contre les abus de l’élevage en batterie, le transport inhumain d’animaux d’élevage, et les animaux que l’on offre « presque mourants » aux gagnants de loteries, M. le sénateur Francis Palmero a déclaré qu’« il faut, en effet, cesser de considérer les animaux comme des choses inertes pour admettre que ce sont aussi des êtres vivants qui souffrent et qui sont nos associés dans la grande aventure de la vie » (13). M. Pierre Vallon, rapporteur du projet de loi a lui aussi considéré que « ces dispositions sont depuis trop longtemps attendues pour qu’il soit possible d’en différer encore l’instauration » (14).

4. Les propriétaires deviennent débiteurs d’obligations envers les animaux qui sont sous leur garde

Résolument moderne, M. Nungesser tire des conséquences pratiques de la sensibilité de l’animal en demandant que celui-ci soit placé « dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce » (article 9 de la loi du 10 juillet 1976). Pour le rapporteur, l’animal doit être «protégé en tant que tel et pour lui-même» et dans cette optique, sa détention doit être organisée autour de ses propres besoins biologiques et non « dans des conditions de convenance pour son propriétaire » (15).

Cet ajout a été accueilli avec enthousiasme par M. le ministre André Fosset qui a défendu la disposition devant le Sénat dans les termes suivants: « Il s’agit ici de définir les devoirs qu’impose indubitablement à l’homme la possession ou la garde d’un animal. Ce qui peut vous sembler aller de soi n’est pas forcément évident: il suffit, pour s’en convaincre, de regarder autour de soi le nombre croissant d’animaux maltraités ou abandonnés » (16). L’engouement du ministre connaît néanmoins une limite, celle de l’attribution de droits aux animaux.

La disposition introduite par M. Nungesser concerne la responsabilisation des propriétaires mais n’implique pas que les animaux soient désormais détenteurs de droits. M. André Fosset a pris le soin de rappeler son opposition à l’attribution de droits aux animaux dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale: « Il s’agit dans ce texte, de définir les devoirs de l’homme envers les animaux dont il assure la garde et non de fixer les droits de l’animal, ce qui serait peu réaliste » (17).

5. L’affirmation du droit de détenir des animaux

L’article 10 de la loi de 1976 confirme le principe d’appropriation de l’animal par l’homme: « Tout homme a le droit de détenir des animaux dans des conditions définies à l’article 9[…] sous réserve des droits des tiers et des exigences de la sécurité et de l’hygiène publique et des dispositions de la présente loi ». Une première lecture de cet article permet de voir la volonté d’un législateur suspicieux d’encadrer fermement la sensibilité nouvellement acquise de l’animal, afin d’éviter toute conséquence néfaste sur les pratiques de l’élevage ou de l’expérimentation.

Il est également possible d’y voir une volonté du législateur de limiter la protection individuelle à l’animal approprié de manière explicite afin de ne pas limiter la pratique de la chasse. Pourquoi pas! Ces arguments ont été utilisés lors des débats urelatifs à la protection de l’animal sauvage lors de la discussion du projet de loi sur la biodiversité de 2015. Toutefois, la lecture des débats parlementaires de la loi de 1976 révèle qu’il n’en est rien.

Cet article est l’œuvre de M. Nungesser, fervent défenseur de l’animal, et non de parlementaires influencés par des lobbies craignant que la définition de l’animal comme « être sensible » mette fin au principe d’appropriation ou à la pratique de la chasse. Le rapporteur avait pour intention de résoudre une difficulté que rencontraient souvent les propriétaires d’animaux domestiques: l’interdiction posée par le règlement intérieur des HLM de posséder un animal.

M. Nungesser affirme à ce propos que « le deuxième principe fondamental de cette charte est le droit pour tout homme de posséder un animal. Une telle affirmation peut paraître superflue. Eh bien! Permettez-moi d’évoquer un souvenir de l’époque où j’avais la responsabilité ministérielle du logement. […] J’ai reçu pendant des mois, après la signature de cette circulaire, les plaintes de locataires qui me disaient qu’en dépit de ma décision, on continuait à leur interdire de posséder un chien ou un chat » (18).

6. La pénalisation de l’abandon d’un animal

L’article 13 de la loi de 1976, modifie le code pénal dans les termes suivants: « L’abandon volontaire d’un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité, à l’exception des animaux destinés au repeuplement, est passible des peines prévues à l’article 453 du code pénal. » Avant la loi de 1976, seuls les « actes de cruauté » étaient sanctionnés pénalement et, en application des principes de légalité et d’interprétation stricte du droit pénal, les abandons n’étaient pas considérés par les juges comme des actes entrant dans cette catégorie.

Mme le député Thome-Patenôtre a expliqué que « la pratique prouve que l’application de l’article 453 du code pénal reste rare compte tenu de l’interprétation extrêmement restrictive faite par les tribunaux du terme cruauté » (19). Il était donc nécessaire d’inclure explicitement ce délit dans le code pénal. La commission présidée par M. le député Nungesser tenait beaucoup à réprimer sévèrement les actes d’abandon d’animaux.

Mme le député Thome-Patenôtre a défendu cet amendement audacieux en séance en expliquant qu’il permettrait à la fois de préserver l’ordre et la sécurité publique et de protéger les animaux. Afin de retrouver les maîtres coupables d’abandon et d’appliquer efficacement ce texte, il était également nécessaire de rendre l’identification par tatouage des animaux obligatoire. Tel était l’objet de l’amendement déposé par M. le député Jacques Blanc.

Mais l’amendement, bien qu’accueilli sur le principe, a rencontré de nombreuses réticences concernant son application pratique: certains parlementaires ont jugé qu’une opération aussi longue et coûteuse ne pourrait se faire que par étapes et le Gouvernement a proposé d’étudier la faisabilité de cette mesure à moyen terme tout en priant M. Blanc de retirer son amendement… (20) Que faire de la phrase « À l’exception des animaux destinés au repeuplement » figurant à l’article 13 de la loi du 10 juillet 1976 limitant la portée de la pénalisation des abandons?

À l’origine, le projet de loi tel que modifié par l’Assemblée nationale ne comportait aucune exemption de ce type. La dérogation a été introduite par M. le sénateur Pierre Croze au nom de la commission des affaires économiques sous la forme suivante: « À l’exception du gibier destiné au lâcher » afin « de ne pas entraver l’activité des établissements d’élevage de gibier […] destiné à être lâché dans la nature » (21).

La commission ne se montrait-elle pas là davantage soucieuse des intérêts ludiques des chasseurs que des intérêts économiques des éleveurs? Le Gouvernement a apporté une modification de forme à cet amendement en exigeant qu’il mentionne les « animaux destinés au repeuplement ». Cette modification a été acceptée par le sénateur après que le ministre eut confirmé que «les animaux qui sont lâchés, non pas uniquement dans un but de repeuplement mais en vue d’être tirés quelque temps après sont bien compris dans l’expression: gibier de “repeuplement” ».

Le ministre, se voulant rassurant pour les chasseurs a assuré qu’il entendait par cette expression le « repeuplement des chasses » (22). Cette restriction, qui permet d’élever, de relâcher puis d’abattre sans nécessité un animal figure toujours dans le code pénal, à l’article 521. Sans l’intervention de la commission des affaires économiques et de M. le sénateur Pierre Croze, ces actes auraient été juridiquement qualifiés d’abandon et d’acte de cruauté…

En outre, toutes les modifications du code pénal introduites par la loi du 10 juillet 1976 n’ont pas été favorables à l’animal. Si la pénalisation de l’abandon d’un animal est une avancée, la réduction des peines encourues pour les actes de cruauté et les abandons doit être critiquée. Le texte, tel que modifié par l’Assemblée nationale, maintenait les peines dissuasives instaurées par la loi n° 63-1143 du 19 novembre 1963 relative à la protection des animaux (une amende allant de 2000 à 6000 francs et une peine d’emprisonnement comprise entre deux et six mois).

La commission du Sénat présidée par M. le sénateur Pierre Vallon a jugé les peines minimales de prison et d’amende trop sévères et a demandé à ce que celles-ci soient abaissées à un minimum de 500 francs d’amende et une peine de prison allant de quinze jours à six mois (23), un amendement malheureusement accueilli par le Gouvernement…

7. Le contrôle des parcs zoologiques et des cirques par la puissance publique

L’article 10 de la loi du 10 juillet 1976 dispose que « les établissements ouverts au public pour l’utilisation d’animaux sont soumis au contrôle de l’autorité administrative qui peut prescrire des mesures pouvant aller jusqu’à la fermeture de l’établissement, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées au titre de la présente loi ».

Avant la loi de 1976, seules les dispositions du code pénal relatives aux actes de cruauté (issues de la loi n° 63-1143 du 19 novembre 1963 relative à la protection des animaux) restreignaient la liberté des parcs zoologiques et des cirques. Malgré la publication régulière de circulaires préfectorales rappelant à ces établissements l’interdiction des actes de cruauté, les conditions de vie de ces animaux demeuraient intolérables comme en témoigne l’intervention de M. le sénateur Palmero: « La question des parcs zoologiques, qui sont encore trop souvent de véritables prisons, a ému l’opinion publique » (24).

La loi du 10 juillet 1976 remédie à cette insuffisance en prévoyant un contrôle de ces établissements par l’autorité administrative qui se cumule avec l’interdiction des actes de cruauté du code pénal. Cette nouveauté permet d’obtenir d’une part la sanction des auteurs des mauvais traitements par le biais d’amendes et de peines de prison (en vertu du code pénal), et d’autre part que la fermeture de l’établissement soit prononcée (en vertu de l’article 10 de la loi de 1976).

8. L’action des associations de protection des animaux est facilitée

L’article 14 de la loi de 1976 énonce : « Les associations de protection animale reconnues d’utilité publique peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions à l’article 453 du code pénal et portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts qu’elles ont pour objet de défendre. »

Lors des débats parlementaires de 1976, deux amendements ont été déposés au sujet de l’action des associations de protection des animaux et de leur domaine de compétence: Le premier, déposé par Mme Thome-Patenôtre leur permettait d’agir au pénal et au civil pour les actes relevant de l’article 453 du code pénal et 1382 du code civil. Elle considérait que les associations de protection animale pourraient agir plus rapidement que les particuliers ce qui permettrait « aux tribunaux de prononcer des sanctions exemplaires » (25).

Le second, déposé par M. Nungesser et adopté par l’Assemblée était plus restrictif: il permettait aux associations d’exercer les droits de la partie civile pour les seules infractions du code pénal. Il estimait qu’autoriser l’action civile sur les articles du code civil était difficile à accepter sur le plan juridique. Mme Thome-Patenôtre s’est rendue à ses arguments. Cet article a été adopté par le Sénat sans faire l’objet d’amendements ou de débat.

La loi du 10 juillet 1976 est un texte fondateur pour le droit de l’environnement comme pour le droit animal. Ce corpus juridique s’est étoffé ces 40 dernières années, mais de nombreuses lacunes demeurent et les contrôles restent insuffisants. En 1976, les parlementaires avaient déjà conscience que « c’est tout d’abord sur la grande masse du public qu’il […] faut agir, pour l’éduquer, lui faire comprendre la nécessité de protéger tout ce qui nous entoure, lui donner conscience du rôle qu’il doit jouer et de l’action qu’il doit mener » (26).

Katherine Mercier

  1. Journal officiel,Compte rendu des débats parlementaires de l’Assemblée national, 1ère séance du jeudi 22 avril 1976, p. 2043.
  2. Journal officiel, Compte rendu des débats parlementaires du Sénat, séance du mardi 18 mai 1976, p. 1075.
  3. Loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.
  4. Journal officiel,Compte rendu des débats parlementaires du Sénat, séance du mardi 18 mai 1976, p. 1070.
  5. Journal officiel,Compte rendu des débats parlementaires de l’Assemblée national, 1ère séance du jeudi 22 avril 1976, p. 2035.
  6. Journal officiel,Compte rendu des débats parlementaires du Sénat, séance du mardi 18 mai 1976, p. 1073.
  7. id., p. 1069.
  8. id., p. 1073.
  9. id., p. 1096.
  10. Journal officiel, Compte rendu des débats parlementaires de l’Assemblée national, 2e séance du jeudi 22 avril 1976, p. 2043.
  11. id., p. 2036.
  12. id.
  13. Journal officiel, Compte rendu des débats parlementaires du Sénat, séance du mardi 18 mai 1976, p. 1097. 
  14. id., p. 1096. 
  15. Journal officiel, Compte rendu des débats parlementaires de l’Assemblée national, 1re séance du jeudi 22 avril 1976, p. 2036.
  16. Journal officiel, Compte rendu des débats parlementaires du Sénat, séance du mardi 18 mai 1976, p. 1073. 
  17. Journal officiel, Compte rendu des débats parlementaires de l’Assemblée national, 1re séance du jeudi 22 avril 1976, p. 2039. 
  18. id., p. 2036.
  19. Journal officiel, Compte rendu des débats parlementaires de l’Assemblée national, 2e séance du jeudi 22 avril 1976, p. 2080. 
  20. Journal officiel, Compte rendu des débats parlementaires de l’Assemblée national, 2e séance du jeudi 22 avril 1976, p. 2081. 
  21. Journal officiel, Compte rendu des débats parlementaires du Sénat, séance du mardi 18 mai 1976, p. 1100.
  22. id., 1101. 
  23. id., p. 1100. 
  24. id., p. 1097. 
  25. Journal officiel, Compte rendu des débats parlementaires de l’Assemblée national, 2e séance du jeudi 22 avril 1976, p. 2080.
  26. Journal officiel, Compte rendu des débats parlementaires du Sénat, séance du mardi 18 mai 1976, p. 1070.

Article publié dans le numéro 88 de la revue Droit Animal, Ethique et Sciences.

ACTUALITÉS